En Suisse, pratiquement toutes les eaux usées sont conduites jusqu’à une station d’épuration (STEP) où elles sont dépolluées en grande partie avant d’être rendues à un lac ou à une rivière. Mais attention: "épuration" ne veut pas dire "pureté". Une fois traitées par la station, les eaux usées restent plus polluées que celles du cours d’eau qui les reçoit. Certaines STEP ont d’ailleurs beaucoup de peine à faire leur travail en cas d’orage ou suite à de longues pluies, tellement les précipitations renforcent le débit des égouts.
Voilà pourquoi notre pays – à l’instar de ses voisins – met patiemment en place depuis 1960 un second réseau de collecte des eaux dites "claires" (ou "eaux pluviales"), qui est séparé de celui des eaux usées – il ne mène donc pas à une STEP mais va directement dans la nature. On dit qu’un bâtiment est "en séparatif", lorsque ses canalisations sont reliées à ces deux systèmes de collecte. Ce second réseau récolte les précipitations tombées sur les routes, les places, les parkings, les toits et les terrasses. Il récupère aussi l’eau drainée dans le sol, autour des bâtiments et sous les terrains qu’on veut garder au sec.
Le réseau des "eaux claires" récolte l’eau de pluie en provenance des toits, des terrains imperméables et du drainage du sol, puis il les rend à la nature sans passer par une station d’épuration (selon la loi, l’eau ne devrait pas se jeter directement dans la rivière, mais elle devrait être filtrée par le terrain en bordure de rivière).
Les produits de nettoyage utilisés pour laver cette voiture finissent à la rivière...
Désherbant et insecticide peuvent passer par le système de drainage ou par les grilles d’évacuation et contaminer le cours d’eau.
Le réseau "en séparatif" helvétique couvre déjà plus d’un tiers des zones urbanisées – et c’est le plus avancé en Europe. Il se développe au rythme des changements de canalisations et des nouveaux chantiers. Les deux tiers restants sont encore équipés d’un réseau dit "unitaire", dans lequel se mélangent les eaux claires et les eaux usées issues des habitations et des activités économiques.
Les eaux claires peuvent être polluées
Après son passage sur la chaussée ou un parking, l’eau de pluie peut néanmoins être contaminée par des polluants qui traînent sur le sol. Voilà pourquoi la loi sur les eaux (LEaux) préconise que les eaux claires soient en priorité infiltrées dans le sol, ou filtrées par une couche d’humus végétalisée avant d’être rendues à un lac ou à une rivière. Suivant le débit, elles doivent aussi passer par un bassin de rétention, afin de ne pas surcharger les cours d’eau en cas d’orage – ce qui augmenterait les risques d’inondation.
Ainsi, tout ce qu’on jette sur le bitume – trottoir, route, parking ou terrasse – peut aller quasi-directement chez les poissons. Et qui dit "poissons" dit aussi "eau potable", car l’eau du robinet provient en majeure partie des lacs et des nappes phréatiques (elles sont aussi alimentées par le lit des cours d’eau et des lacs).
En travaillant, bricolant ou jardinant à l’extérieur, il faut donc veiller à ce qu’aucun produit ne puisse s’écouler vers les grilles, les gouttières, les caniveaux ou autres exutoires. Tous les détergents – même bien biodégradables – sont dangereux lorsqu’ils sont déversés directement dans les eaux sans passer par une station d’épuration. Les plantes aquatiques, les algues et les animaux des eaux de surface y sont en effet très sensibles. Ils succombent aussi aux herbicides, aux pesticides et aux pollutions par le mazout et les huiles de moteur. Ils souffrent même de la causticité du ciment, lorsque des bétonnières sont rincées à grande eau près des grilles d’égout...
La loi protège nos eaux
La loi fédérale sur la protection des eaux "interdit d’introduire directement ou indirectement dans une eau des substances de nature à la polluer". Cette interdiction concerne donc un large spectre de substances: produits phytosanitaires, peintures et solvants, carburants et huiles, eau de javel, déchets... et même les tout petits déchets comme les mégots de cigarette.
Pour la bonne cause, il est donc interdit de laver sa voiture dans la rue ou en dehors des places prévues à cet usage (les places de lavage des garages ont un système spécial de récupération, qui sépare les hydrocarbures de l’eau sale). Depuis 2001, les personnes privées ont aussi l’interdiction d’utiliser des herbicides pour désherber leur route d’accès, leur chemin, leur place de parking – qu’ils soient recouverts de goudron, de dalles, de pavés ou de gravier. Les bordures en herbe ou en terre sont aussi concernées par cette interdiction, ainsi que les toitures et les terrasses.
Les grilles ne sont pas des poubelles
En résumé, il ne faut plus regarder les grilles qui garnissent les bords des routes comme des poubelles, mais comme des portes d’entrée vers le monde des poissons – celui d’où provient notre eau potable.