Ces mini-articles ont tous paru dans la newsletter de la Charte des Jardins (2 éditions par an)
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Plantes
Indigène et sauvage?
Info Flora joue le rôle de centre national de données et d'informations sur la flore de Suisse. Son site Internet rassemble des informations sur chaque plante du pays (y compris les plantes d'origine exotique): carte de répartition, écologie, photos, et statut de protection. Les passionnés de botanique peuvent participer à enrichir cette banque d'information avec leurs observations de terrain. Mais chacun peut utiliser ce site pour savoir si une plante proposée en jardinerie est sauvage et indigène: il suffit de faire une recherche avec le nom français ou le nom latin.
Seul le nom latin complet permet d'identifier vraiment une plante (il n'est pas toujours donné en entier sur les étiquettes des plantes du commerce). Le nom botanique d'une plante sauvage comporte seulement deux noms en italique. Par exemple Ilex aquifolium pour le houx commun. Chez une variété de culture, le nom botanique de l'espèce sauvage est suivi d'un troisième nom donné entre guillemets. Par exemple, Ilex aquifolium 'Silver Queen' pour un houx aux feuilles bordées de clair. Pour les hybrides, les noms latins sont séparés par un 'x'. Par exemple, Ilex x altaclerensis 'Golden King' pour une variété de houx issu d'un croisement avec une espèce du Japon, et dont les feuilles n'ont pas d'épines.
Phénologie
La phénologie est la science de l'observation du développement des plantes au fil des saisons et des années. Elle a pris une nouvelle importance avec les changements climatiques en cours. Est-ce que les pommiers fleurissent toujours plus tôt? Observe-t-on la même précocité sur tout le territoire? Est-ce que toutes les plantes sont touchées par l'avance des saisons?
PhaenoNet est une plateforme internet qui permet à chacun d'enregistrer et de partager ses observations. Les données sont présentées à l'aide de diagrammes ou de cartes. Ce réseau, lancé en 2012, rassemble déjà 40 écoles, environ 500 observateurs et 8 scientifiques. Il accueille volontiers de nouveaux observateurs (enregistrement en ligne nécessaire).
Troène "toujours vert"
Le Troène commun (Ligustrum vulgare) est un arbuste indigène bienvenu dans les haies, car il est peu exigeant: il pousse autant à l'ombre qu'au soleil, supporte la plupart des sols, se développe dans l'air pollué des villes, et se ramifie bien lors de la taille. Pour la petite faune, c'est une aubaine: il produit des bouquets de fleurs blanches riches en pollen et en nectar, qui donneront des baies noires qui se conservent jusqu'au printemps. Comestibles pour la plupart des oiseaux qui restent en hiver, ces baies sont cependant toxiques pour l'Homme. Si l'hiver est clément, le troène conserve une grande partie de son feuillage, mais il les perd après un coup de froid.
La Charte des Jardins demande de favoriser les plantes indigènes sauvages. Mais si on désire que sa haie reste opaque toute l'année au regard des voisins, on choisira la variété cultivée Ligustrum vulgare "atrovirens" qui a l'avantage de conserver son feuillage en hiver, mais pas seulement: ce troène produit des fleurs mellifères et des baies. Indigène et fertile, c'est ce qui est important pour la petite faune.
Ronce
La Ronce commune (Rubus fruticosus), celle qui produit les mûres (mûron, meuron...), passionne certains botanistes qui se sont donnés un nom: les "batologues". Il faut dire que le genre Rubus est surprenant. Les Ronces produisent naturellement des centaines de variétés qui ont tendance à s'hybrider entre-elles. Certaines sont mêmes capables de se reproduire par graines sans fécondation.
Pour abriter la petite faune, offrir du pollen aux insectes et nourrir tout le monde de fruits délicieux, rien n'égale un buisson épineux et impénétrable de ronces. Cependant, si on veut éviter de s'écorcher les doigts, on peut très bien opter pour des variétés sans épines et généreuses en fruits: la Géante des Jardins, la Jumbo, la Thornless evergreen, la Lochness...
On peut conserver leurs tiges séchées devenues improductives. Solides, lisses et légères (elles sont emplies de moelle), elles se coupent en portions d'une trentaine de centimètres. On les assemble alors en un petit fagot à accrocher à l'horizontale dans un coin du jardin ensoleillé et abrité du vent: de toutes petites abeilles sauvages pourront creuser la moelle et y mettre leur progéniture à l'abri.
Pissenlit
Savez-vous que le Pissenlit (Taraxacum officinale), considéré souvent comme l’ennemi public numéro 1 de la pelouse, était autrefois largement cultivé dans les potagers. Au XIXe siècle, on a même sélectionné des variétés plus grosses et moins amères que les plantes sauvages (Amélioré à coeur plein, Amélioré de Montmagny). On trouve toujours leurs graines chez certains producteurs.
Les feuilles du pissenlit cultivé se mangent de novembre à mars, crues ou cuites. Si on les aime moins amères, on peut les faire blanchir en les privant de lumière directement dans le potager, à l'aide de paille ou d'un grand pot de fleur retourné. Ce légume est riche en protéines, en provitamine A et en vitamine C. La plante est aussi connue pour faciliter la digestion et être légèrement diurétique (pisse en lit).
Chez les pissenlits sauvages aussi, tout se mange: les jeunes feuilles crues, les boutons de fleurs (cuits, crus ou au vinaigre), les fleurs en décoration de salades, et même les racines (crues ou cuites). Qui ose encore parler d’ennemi public?
Cardamine des prés
La Cardamine des prés (Cardamine pratensis) pousse spontanément dans les coins de prairie plutôt humides. Elle passe inaperçue jusqu'au printemps, où sa petite rosette de feuilles lance une longue tige qui se termine par un feu d'artifice de fleurs mauve pâle.
La Cardamine est aussi appelée «cressonnette» ou «cresson des prés». Avant floraison, ses feuilles peuvent être consommées crues et agrémenter les salades. Elles sont riches en vitamine C, et ont un goût un peu piquant et légèrement amer. Les rares feuilles de la tige florale sont très différentes des feuilles de la rosette: elles ont une forme de plume (elles sont "pennées"). Elles peuvent aussi servir de condiment aux salades.
Au moment de la tonte, pensez à préserver les coins de prairie riches en Cardamines. Car c'est surtout sur cette fleur que le joli papillon Aurore pond ses oeufs (voir le mini-article sur ce papillon).
Fleurs de chou
Chou de Bruxelles, Chou kale, Chou frisé... abandonnés dans le potager, ils finissent par monter en fleurs. C'est là que le gourmet se réjouit: les longues hampes bardées de boutons de fleurs sont délicieuses à manger, une fois passées à la vapeur, telles les asperges. Selon la variété de chou, la chair est plus ou moins sympathiquement amère. À la vinaigrette, à la mayonnaise, au gratin, tout est bon. On peut même rôtir ces hampes florales à la poêle.
Au printemps, les fleurs de chou qui s'épanouissent sont aussi une aubaine pour les insectes pollinisateurs, et notamment les abeilles et les papillons. On peut laisser les choux fleurir et grainer dans le potager, puis apprendre à reconnaître les jeunes pousses pour ne pas les désherber. Les deux premières feuilles des choux naissants forment une paire de petits coeurs opposés par la pointe.
Cynorhodon
Le cynorhodon est le fruit globuleux des rosiers et des églantiers. On l'appelle aussi "gratte-cul" en raison des poils urticants de ses graines (c'est ça, le "poil à gratter"). Certaines variétés de rosiers, sélectionnées par exemple pour leur fleurs denses en pétales, ne produisent pas de cynorhodons; d'autres, au contraire, se distinguent par la beauté de leurs fruits qui décorent le jardin en automne .
Riches en vitamine C, les cynorhodons sont appréciés des oiseaux lorsque l'hiver s'installe et qu'il y a peu de nourriture dans les jardins. C'est donc une bonne idée de ne pas couper les roses fanées pour laisser ces fruits se développer. Ou de laisser les cynorhodons coupés à la disposition de la faune du jardin. On peut aussi les utiliser pour faire des tisanes, des confitures, des sirops... mais c'est généralement beaucoup de travail, car il faut récupérer la chaire, en la débarrassant des graines et des poils irritants.
Olives
Avec le climat qui s'adoucit, on voit de plus en plus d'oliviers dans les jardins de Suisse – et aussi des olives qui commencent à rosir en fin d'automne, signe que c'est le bon moment de les récolter. Mais si vous avez déjà croqué une une olive fraîchement cueillie, vous savez à quel point ce fruit est amer!
On trouve de nombreuses recettes sur internet pour enlever l'amertume des olives en les laissant tremper plusieurs jours dans de l'eau salée régulièrement renouvelée. Mais les fruits poussés sous nos latitude restent généralement amers. Le secret de leur préparation, c'est l'hydroxyde de sodium (NaOH) de qualité alimentaire, appelé aussi "soude caustique". C'est un sel qu'on peut obtenir dans certaines drogueries et que les boulangers utilisent pour dorer leurs bretzels. Attention: le produit est très irritant (c'est une base). Il faut le manier avec précaution et le tenir à l'abri des enfants. Mais une fois très dilué, le pouvoir irritant disparaît et il ne reste aucun polluant dans les eaux. On trouvera ci-dessous le mode d'emploi de France Olive, l'Association française interprofessionnelle de l'olive.
Orties & Papillons
L'Ortie dioïque ou Grande ortie – celle qui pique – est sans doute la dernière plante que l'on désire voir pousser dans un parc ou un jardin. C'est pourtant sur ses feuilles que se nourrissent – de préférence ou exclusivement – les chenilles de plusieurs des plus beaux papillons qui visitent nos fleurs: le Paon du jour (photo), la Carte Géographique, la Petite Tortue, le Robert-le-diable, le Vulcain.
Pour que ces beaux insectes puissent se reproduire dans les zones habitées, il faut bien que les particuliers et les collectivités acceptent de laisser pousser quelques orties! Et c'est au moment de tondre les bordures et de débroussailler qu'on peut choisir de les préserver.
On peut aussi planter des graines d'orties. Mais la plante exige un terrain humide, à la fois très riche en matière organique et en azote.
Oseille sauvage
L'Oseille sauvage (Rumex acetosa) pousse souvent spontanément dans le jardin. C'est une plante vivace, de 30 cm à un mètre de haut, qui peut servir de condiment grâce à son goût acidulé. Ses feuilles lisses sont reconnaissables à leur forme de pointe de flèche, avec deux oreillettes qui entourent la tige à la base de la feuille. On peut ajouter des feuilles d'oseille crues à une salade, ou les cuire avec une soupe, une omelette ou un poisson. Comme leur goût acide provient de l'acide oxalique, il ne faut pas en abuser – et même les éviter si on a une tendance aux calculs biliaires ou rénaux.
Chez l'oseille, il y a des plantes mâles et femelles. Les femelles produisent à leur sommet un panicule léger de petites graines entourées chacune de trois petits ailes. Les serins et les chardonnerets s'empressent de les dévorer. Si on dit parfois "oseille" lorsqu'on parle d'argent, c'est peut-être parce que ce panicule brille dans le soleil, telle une gerbe de toutes petites pièces d'or...
Lierre grimpant
Le Lierre grimpant (Hedera helix) n'étouffe pas l'arbre sur lequel il s'élève. Il se sert du tronc comme d'un tuteur, en montant bien droit – pas d'enlacement – et en s'accrochant avec ses crampons qui ne parasitent pas la sève du tronc. D'ailleurs, le lierre n'envahit pas la couronne de l'arbre, sauf si l'arbre est dépérissant. Et, dans ce cas, c'est bien souvent le lierre qui empêche l'arbre de tomber.
Le respect du lierre pour son arbre va même plus loin: il fleurit en automne – et même jusqu'en novembre – pour ne pas faire concurrence aux fleurs de son support lors de la pollinisation. Il est même l'une de nos dernières plantes indigènes à offrir du nectar aux papillons et aux abeilles qui s'attardent. De plus, son feuillage très dense et persistant offre toute l'année des abris pour les oiseaux et les insectes – sans oublier ses baies noires que les merles gobent en fin d'hiver. Bref, qu'il rampe au sol ou qu'il s'élève vers le ciel, le lierre est une bénédiction pour la biodiversité, à condition que ce soit un pied sauvage qui puisse produire des fleurs fertiles.
Narcisses & Jonquilles
Les narcisses sont parmi les premières fleurs à surgir au printemps. Ils sont si spectaculaires que, sans leur toxicité, ils seraient rapidement broutés. En Suisse, dans la nature, on en trouve 6 espèces, dont 3 sont des hybrides. Il faut dire que les narcisses ont une forte tendance à se croiser, si bien que les botanistes ont de la peine à s'entendre sur la classification. Par contre, cette tendance au métissage fait depuis longtemps le bonheur des horticulteurs: les Anglais et les Hollandais, surtout, ont créé des milliers de variétés dont environ 500 sont produites commercialement. Le registre de tous ces cultivars – environ 30'000 – est tenu par la Royal Horticultural Society (GB). Les narcisses jaunes sont souvent appelés "jonquilles".
Dans un jardin déjà ancien éclosent souvent toutes sortes de narcisses plantés au fil des ans. Plus la variété est sauvage, plus elle a tendance à produire de graines. Idéalement, on laissera les feuilles jaunir et se dessécher avant de les supprimer, afin que les bulbes puissent emmagasiner un maximum d'énergie pour la floraison du printemps suivant. C'est une bonne motivation pour laisser pousser la prairie avant de la tondre.
Lorsqu'on souhaite déplacer des narcisses, l'idéal est d'attendre que les feuilles aient bien jauni avant d'extraire les bulbes de terre, et les replanter dans la foulée. On peut aussi conserver les bulbes au sec, pour les replanter en automne.
Tronc en vrille
On ne sait pas vraiment pourquoi, mais certains cerisiers et pruniers partent en vrille. Après quelque temps de croissance rectiligne, leur tronc se met à se tordre comme un linge qu'on essore. La vrille peut partir à droite ou à gauche. Les botanistes ont pensé à l'effet du vent, à la génétique, à un problème de croissance... mais aucune explication n'est vraiment convaincante.
Si vous avez un tel arbre dans votre jardin, soignez-le bien: le phénomène n'est pas courant chez les fruitiers. Dans le Verger d'Autrefois, à l'Arboretum du Vallon de l'Aubonne (VD), on peut d'ailleurs voir un grand prunier Quetche de Jongny qui a poussé en hélice. Il se trouve en compagnie d'autres variétés fruitières anciennes de la région, qui ont été sauvées de la disparition grâce à des greffes réalisées souvent in extremis. C'est d'ailleurs une bonne idée d'accueillir sur son terrain des arbres fruitiers anciens devenus rares: ils participent aussi à la Biodiversité
Géranium sanguin
Le Géranium sanguin (Geranium sanguineum) est une plante qu'on gagne à installer dans un coin ensoleillé et plutôt sec du jardin, tant il présente d'avantages. Il est vivace (repousse d'année en année), indigène (pousse naturellement dans la région), et très généreux en fleurs de mai à juillet – il continue même de fleurir plus sporadiquement jusqu'à l'automne.
Le Géranium sanguin est aussi remarquable par son port étalé: il émet ses tiges grêles et anguleuses dans toutes les directions jusqu'à former un sympathique nuage de feuilles très découpées, d'un beau vert mat.
Dans les jardineries et sur internet, on peut en trouver une cinquantaine de variétés horticoles. On préférera la version sauvage, dont le nom latin est simplement Geranium sanguineum, sans l'adjonction d'un troisième mot entre guillemets. Les variétés horticoles (cultivars), ont un troisième nom, tels que Geranium sanguineum 'striatum' ou G. sanguineum 'Elke'.
Grand plantain
Il y a bien des chances que le Grand plantain (Plantago major) pousse à proximité de chez vous. Car cette "mauvaise" herbe a une tendance à l'invasion: originaire d'Europe, elle se répand partout dans le monde, résiste au piétinement, et survit à la tondeuse en plaquant sa rosette de feuilles ovales au sol. Ces feuilles sont d'ailleurs faciles à reconnaître: elles possèdent des nervures longitudinales qui forment des fils lorsqu'on les étirent jusqu'à les rompre. Et au froissage, elles libèrent peu à peu une bonne odeur de... champignon.
Le Grand plantain est une star parmi les plantes sauvages comestibles. On peut ajouter ses jeunes feuilles crues aux salades, ou les cuire avec une omelette. On peut aussi en faire un délicieux pesto: hacher les feuilles, puis leur ajouter des noisettes moulues, de l'huile d'olive, et du parmesan ou du gruyère râpé (soyons chauvin). Passer ensuite le tout au mixer, jusqu'à l'obtention d'une pâte. À servir avec des patates ou des spaghettis.
Noisettes
Un Noisetier (Corylus avellana), planté seul, a de la difficulté a produire des noisettes. En effet, cet arbuste porte séparément ses fleurs mâles (les jolis chatons jaunes) et ses fleurs femelles (de discrets bourgeons surmontés d'une petite «anémone de mer» rouge). La maturité des fleurs mâles et des fleurs femelles est décalée. En conséquence, il faut la proximité de plusieurs noisetiers dont les périodes de floraison se chevauchent pour obtenir des noisettes dans le jardin.
En plus du noisetier sauvage, on peut trouver en jardinerie une cinquantaine de variétés cultivées, sélectionnées soit pour leur production de noisettes, soit pour leur aspect décoratif (attention, tous les noisetiers décoratifs ne produisent pas des noisettes; certains sont même d'une autre espèce). Pour s'offrir des noisettes et en offrir à la petite faune des jardins (écureuils, sitelles, mulots...) on choisira au moins deux arbustes différents (sauf si des noisetiers poussent sur le terrain voisin) et on se renseignera sur leur fertilité croisée.
Nèfles
Il y a les nèfles du Japon, à la peau orange et lisse. Et il y a les nèfles "de chez nous": de gros gratte-culs ronds à la peau brune, sèche et feutrée, contenant 2 à 5 noyaux. L’arbre qui les produit, le Néflier commun (Maspilus germanica), croît spontanément dans nos forêts.
Il existe des variétés cultivées de néflier, greffées souvent sur de l'aubépine, capables d’offrir des fruits beaucoup plus gros que leur cousin sauvage. L'arbre peut être très esthétique avec ses grandes feuilles gaufrées, sa frondaison étalée et son tronc tordu. Il est résistant aux maladies et aux climats rudes.
Les nèfles sont mûres en début d’automne, mais elles ne sont pas mangeables pour autant. Il faut attendre quelques semaines en milieu frais pour qu’elles deviennent blettes. Elles prennent alors l’aspect d’un fruit pourri qui rebute l’ignorant. Mais le connaisseur s’en régale: leur chair molle et sucrée a le goût de vin et de miel. Si on les laisse sur l'arbre, elles feront le bonheur des oiseaux.
Arbousier
Le réchauffement du climat modifie la nature et nos jardins. Si on cherche un arbrisseau assez massif pour se protéger des regards des voisins, on peut désormais essayer l'Arbousier (avec un "b"; à ne pas confondre avec l'Argousier) une plante méditerranéenne au feuillage vert foncé, dense et persistant. Souvent plus large que haut, ce petit arbre facile à tailler a besoin de soleil et d'un sol drainé, mais il peut très bien résister au froid, et supporte facilement la sécheresse.
En octobre-novembre, l'Arbousier (Arbutus unedo) porte à la fois des grappes de petites clochettes blanches (les fleurs de l'année) et des fruits globuleux qui ressemblent à des fraises: les arbouses, issues des fleurs de l'année précédente. Elles sont douçâtres et granuleuses en bouche, mais elles se laissent manger avec plaisir. Le nectar des clochettes, quant à lui, est une aubaine pour les abeilles et les bourdons qui s'attardent encore.
Hysope
Si vous avez un coin de jardin un peu sec et bien ensoleillé, avec une terre pauvre et caillouteuse, vous pouvez y planter une vivace aromatique originaire du sud de l’Europe et un peu oubliée: l’Hysope (Hyssopus officinalis). Comme son nom latin le suggère, c’est une plante médicinale qu'on utilisait autrefois pour soigner les bronches et le système digestif. Elle forme un bouquet dense de tiges solides qui portent – de juillet à septembre – des épis de fleurs bleues. Très mellifères, ces fleurs attirent les abeilles et les papillons.
L'hysope est un condiment intéressant pour la cuisine. Ses feuilles et ses fleurs, fraîches ou séchées, peuvent aromatiser les plats de viande, les pâtes et les salades. Elle entre souvent dans la composition du zaatar, ce fameux mélange d'épices oriental. On la retrouve aussi dans des liqueurs aux herbes.
Comme c'est le cas pour beaucoup de plantes aromatiques, il ne faut pas en abuser: son huile essentielle est toxique. C'est d'ailleurs pour se défendre contre les insectes que la plupart des plantes aromatiques produisent ces substances qui séduisent tant nos papilles.
Fruitiers et fertilité
Novembre, c'est le bon moment pour planter un arbre fruitier à racines-nues (pommier, poirier, cerisier...) ainsi que des petits arbustes fruitiers (cassis, groseillier…) Cependant, au moment de choisir une variété, il faut se renseigner sur sa capacité à produire des fruits en l'absence d'autres plantes de la même espèce à proximité (autofertilité).
En effet, chez certains arbres et arbustes fruitiers, les fleurs d'une même plante ne peuvent pas se féconder entre elles (ou peinent à le faire): il faut que le pollen provienne d'une autre variété qui fleurit dans le même temps – et éloignée de moins de 30 mètres pour permettre aux insectes pollinisateurs (ou au vent) d'amener le pollen fécondateur. Or, dans un petit jardin, la place manque souvent pour installer plusieurs arbres fruitiers – d'où l'intérêt de se renseigner auprès des voisins pour assurer une pollinisation croisée entre les fruitiers de plusieurs parcelles.
Galle du hêtre
Tombées sur le sol, les feuilles du hêtre peuvent être hérissées de petites perles dures et pointues qui ont poussé sur les nervures des feuilles. Ce sont des galles, autrement dit des sortes de tumeurs végétales que la feuille développe en réaction à un moucheron (de la famille des Cécidomyidae) qui a pondu ses oeufs. Lorsqu'elle sort de son oeuf, la minuscule larve du moucheron dévore la feuille du hêtre. La feuille réagit en produisant une excroissance toujours plus grande – la galle – qui va servir à la fois de nourriture et de protection pour la larve...
En octobre-novembre, les galles se détachent des feuilles et roulent sur le sol. Les larves hivernent ainsi, à l'abri de cette coque protectrice, puis elles se métamorphosent en moucheron, avant de s'envoler au printemps.
Les hêtres supportent généralement très bien ces galles, dont on peut faire de jolis colliers de perles: à la fin de l'été, on détache les galles déjà bien grosses et on les enfile directement sur une aiguille et un fil (tant pis pour les pauvres larves). On laisse ensuite sécher ce collier au soleil: les galles durcissent jusqu'à prendre la couleur et la consistance du bois. Ces belles perles dureront des années, sans autre traitement.
Rosiers ADR
Avant de choisir un rosier, il vaut vraiment la peine de se renseigner sur sa résistance naturelle aux maladies provoquées par des champignons qui attaquent le feuillage et réduisent la floraison: la maladie des taches noires (ou marsonia), le mildiou qui produit des taches jaunâtres, l'oïdium qui recouvre les feuilles d'un feutre blanc, et la rouille qui crible la plante de petites taches orange.
Pour choisir un rosier qui peut vivre sans traitement, on peut rechercher le label allemand ADR (Allgemeine Deutsche Rosenneuheitenprüfung). Depuis 1950, les nouvelles variétés de rosier proposées par les sélectionneurs sont évaluées en conditions réelles pendant 3 ans, dans 11 stations réparties dans toute l'Allemagne. Les juges évaluent la beauté de la plante et de ses fleurs, l'abondance de la floraison et le parfum, la résistance au froid, et la résistance aux maladies provoquées par les champignons.
Depuis la création du label ADR, les experts ont évalué plus de 1700 variétés de rosiers, et attribué près de 180 labels.
Deux ans pour fleurir
La Charte des Jardins recommande de laisser pousser un coin d'herbe en évitant de le tondre tant qu'il y a des fleurs. Cette pratique de tonte tardive donne du temps à certaines chenilles pour devenir papillons. Or, beaucoup de fleurs sauvages prennent plus d'un an pour se révéler: au cours de la première année, elles forment un discret bouquet de feuilles, et elles attendent la deuxième année pour s'épanouir et montrer leurs couleurs.
C'est le cas de la Chicorée sauvage (Cichorium intybus), l'ancêtre de celle qui se mange en salade. Sur environ un mètre de hauteur, cette plante produit un véritable feu d'artifice de petites fleurs bleu électrique qui se referment durant la nuit – et le spectacle dure tout l'été. Ainsi, cela vaut souvent la peine de tondre haut en fin de saison, ou même de patienter jusqu'à l'automne suivant.
Les livres sur les fleurs sauvages montrent rarement à quoi ressemble une espèce avant sa floraison. Pour apprendre à reconnaître précocement une espèce inhabituelle repérée dans le jardin, on peut photographier la touffe de feuilles et noter son emplacement avec un petit piquet pour éviter de la tondre.
Rue des jardins
La Rue des jardins (Ruta graveolens) est une plante vivace au feuillage très décoratif. Elle mesure moins d’un mètre, et ses feuilles ont un goût amer et un fort parfum, qui tire sur la coco et qu’on peut trouver désagréable. Ce sont les Romains qui l'ont introduite dans le bassin Méditerranéen et au nord des Alpes. Ils l'utilisaient notamment pour parfumer le vin. Aujourd'hui, on s'en sert toujours pour aromatiser la liqueur, le vinaigre et les plats cuisinés.
Il vaut mieux consommer la Rue avec modération, car elle peut s'avérer toxique en grande quantité. On la déconseille notamment aux femmes enceintes à cause de son effet abortif. On évitera aussi de toucher sa sève, car elle peut sensibiliser la peau à l'action du soleil et provoquer des rougeurs, voire des cloques (photosensibilisation).
Ceci dit, une Rue des jardins plantée dans un massif, une rocaille ou un pot est bienvenue pour la biodiversité. Car elle produit tout l’été des groupes de petites fleurs jaunes très appréciées des abeilles et des papillons. Son parfum attire tout spécialement le Machaon – notre plus beau papillon: la Rue des jardins est l'une des rares plantes qui peut nourrir ses chenilles et assurer ainsi sa reproduction.
Cornouilles
Le Cornouiller mâle (Cornus mas) est un arbuste indigène qui gagne à être (re)découvert. Au début du printemps, il donne des bouquets de fleurs jaunes avant ses premières feuilles. Et en août-septembre, il offre ses fruits comestibles riches en vitamine C, les cornouilles. Par leur forme et leur noyau, elles ressemblent à de petites olives.
Lorsqu'elles sont prêtes à tomber de l'arbre, les cornouilles sont rouges comme des tomates et âpres en bouche. Mais quelques jours après la cueillette, leur couleur fonce en même temps que leur chair ramollit et devient sucrée: c'est le moment de les manger crues (elles sont acidulées et ont un goût de cerise-groseille). On peut aussi les mettre à sécher, ou les cuisiner pour en faire une gelée ou un chutney.
Même s'il préfère un sol plutôt calcaire et une exposition ensoleillée, le Cornouiller mâle pousse presque partout. On peut le placer dans une haie paysagère ou comme petit arbre d'ornement (pas près d'une terrasse: les cornouilles tombées peuvent faire des taches). Les jours de novembre sans gel sont la meilleure période pour le mettre en terre – comme pour la plupart des arbres et arbustes peu sensibles au froid. En automne, en effet, la terre est humide et encore tiède: la plante a le temps d'installer ses racines sans stress, pour bien repartir dès le début du printemps.
Chèvrefeuille du Japon
Le Chèvrefeuille du Japon (Lonicera japonica) est le genre de plante qu'on se passe volontiers entre voisins, avec ses feuilles persistantes et ses fleurs blanches qui virent au jaune avant de faner. Un petit morceau de tige planté en terre, et, en quelques mois, la liane habille tout un mur. Le problème, c'est que ce chèvrefeuille originaire d'Extrême-Orient envahit la nature avec la même aisance. Il rampe sur de longue distance, grimpe au sommet des arbres, et finit par étouffer les autres plantes sous un épais fourré.
Le Chèvrefeuille du Japon figure sur la Liste noire de la vingtaine des exotiques envahissantes qui sont en train de réduire la biodiversité de notre pays. La moitié proviennent des jardins. Il ne faudrait donc pas le planter chez soi. Et s'il y figure déjà, on évitera de donner des boutures à ses amis et on coupera ses fruits avant maturité, afin que les oiseaux ne disséminent pas les graines dans la nature. L'idéal serait même de l'arracher (ne pas mettre les morceaux de tige au compost, mais à l'incinération), puis de surveiller les rejets qui ne manqueront pas de sortir de terre.
Séneçon du Cap
Originaire d'Afrique du Sud, le Séneçon du Cap (Senecio inaequidens) peut fleurir jusqu'au mois de décembre et envoie ses milliers de graines volantes conquérir les terres en friche. Inscrit sur la liste noire des plantes exotiques envahissantes, il appartient à la famille des astéracées, peut croître en un buisson de 50 à 150 cm de haut, et survit une dizaine d'années. Une fois installé, le Séneçon du Cap s'étend aux dépens des espèces indigènes: ses racines émettent des toxines pour affaiblir les autres plantes...
On peut voir cette plante invasive problématique en bordure des champs, sur les talus et le long des autoroutes où il forme de jolies bandes jaunes. Ce séneçon peut aussi apparaître dans un jardin, surtout si des travaux ont laissé la terre à nu. Après l'avoir identifié (voir fiche ci-dessous), ne pas hésiter à l'arracher avant que ses fleurs se transforment en plumeau gris (comme chez le Pissenlit), puis le mettre à la poubelle pour l'incinération.
Tournesol-mangeoire
Le Tournesol (Helianthus annuus) est originaire d'Amérique du Nord. Doté d'une racine en pivot qui lui permet de chercher l'eau profondément, il pousse facilement, sans engrais, et résiste aux maladies. Il en existe toutes sortes de variétés, sélectionnées pour leurs graines très riches en huile, ou pour leurs effets décoratifs: taille et fleur géantes, sommité formant un bouquet d'une douzaine de fleurs, couleur allant du jaune pâle jusqu'au pourpre...
Dans un jardin, un tournesol qui sèche sur pied est une aubaine pour de nombreux oiseaux, tel le Chardonneret. On fera donc bien de laisser la plante séchée sur place tant qu'elle peut offrir des graines. Et si on veut voir les oiseaux se régaler, on se souviendra que, si le tournesol en croissance suit les mouvements du soleil, sa fleur se fixe finalement dans la direction Est/Sud-Est.
Par contre, on se méfiera de son cousin le Topinambour (Helianthus tuberosus), planté soit pour ses tubercules comestibles, soit pour ses belles fleurs jaunes qui fleurissent en septembre. Le topinambour est une plante exotique envahissante: il s’échappe des jardins et peut former des colonies importantes le long des cours d'eau, en se propageant par ses racines et ses tubercules. Il vaut donc mieux éviter de jeter des topinambours arrachés sur un compost (à donner à l'incinération). On y pensera aussi lorsqu'on déplace de la terre, surtout à proximité d'un cours d'eau.
Primevère
La Primevère acaule ou Primevère commune (Primula acaulis) est l'une des premières fleurs du printemps – c'est même devenu une fleur d'hiver, tant le réchauffement climatique peut la faire apparaître tôt (ou tard!) dans l'année. Ses nombreuses fleurs forment une demi-sphère jaune pâle, mais il peut y avoir des plantes qui tirent sur le violet ou le rouge (sous-espèces et hybrides avec des primevères de culture). Après la floraison, on évitera de tondre les rosettes de feuilles pour permettre aux racines d'accumuler des réserves, afin que ce petit feu d'artifice floral puisse éclater au printemps prochain – la plante est vivace.
Attendre avant de tondre, c'est aussi permettre aux primevères de se multiplier en disséminant leurs graines par myrmécochorie, une technique qu'utilisent surtout des plantes printanières de lisière forestière. Ainsi, la primevère attache à ses graines un appât riche en graisses, qui n'est pas nécessaire à la germination. Attirée par ce délicieux appendice charnu et nourrissant, une fourmi l'emportera vers sa fourmilière – et la graine avec. La graine sera soit larguée en chemin, soit évacuée de la fourmilière après consommation de la friandise. Elle pourra alors germer.
Cela dit, nous, les humains, pouvons aussi consommer des primevères. Les fleurs sont comestibles et décorent très joliment une salade ou un dessert.
Figuier
Les années chaudes profitent aux figues qui peuvent ainsi se déguster jusque tard dans l'automne. Si l’on songe à installer un Figuier (Ficus carica) chez soi, il faut savoir qu’il aime pousser au chaud et au soleil, et qu’il ne supporte pas la bise. L’idéal est de le planter proche d’un mur orienté au sud, mais pas contre le mur d’un bâtiment. En effet, le figuier est capable d’aller chercher de l’eau très profondément: ses longues racines ressemblent à des serpents; elles peuvent provoquer des dégâts aux fondations ou s’introduire dans des canalisations de drainage...
Cela dit, le figuier est un arbre facile à gérer: faibles besoins de taille et d’arrosage; grandes feuilles caduques peu nombreuses qui se dégradent vite (à mettre dans le potager pour enrichir la terre); et double fructification en juillet-août et en septembre-octobre pour les variétés dites "biphères" adaptées à notre climat.
Il existe des centaines de variétés de figuier domestique. Pour être sûr d’en obtenir une qui produira des fruits chez vous, il vaut mieux s’adresser à une jardinerie spécialisée de votre région. Ou obtenir une bouture d’un arbre du voisinage, déjà connu pour sa résistance au climat et la qualité de ses figues.
Aménagements & entretien
Arbre-habitat
Y-a-t-il dans le parc ou le jardin un vieil arbre dépérissant, creusé par endroit, et envahi par d'autre plantes et des champignons? Si oui, c'est sans doute un arbre-habitat, à savoir un condensé de Biodiversité sur pied.
Depuis quelques années, on a pris conscience de l'importance de ces très vieux arbres capables d'abriter des centaines d'autres espèces, que ce soit sur leur écorce, dans leur frondaison, au coeur de leur tronc ou sous terre. Et on tente de les préserver et de les mettre en valeur, en coupant seulement leurs branches qui menacent de tomber – ou en les entourant d'une barrière – afin d'assurer la sécurité publique.
Si vous hésitez à abattre un tel arbre, consultez la page-web ci-dessous. Elle concerne certes la forêt, mais elle vous aidera sûrement à prendre la bonne décision sur votre terrain.
Salade flétrie
Dans l'alignement des jeunes salades en pleine santé, un planton est étrangement flétri, sans raison apparente. Ses feuilles semblent pourtant intactes jusqu'à la base. Et un supplément d'arrosage ne lui rend pas sa vigueur...
Il ne faut pas attendre: saisir une petite pelle, déterrer la pauvre salade, puis débarrasser délicatement ses racines de la terre qui les entoure – opération à faire de préférence au-dessus d'une assiette pour bien observer la situation. Il est fort possible qu'on découvre parmi les racines – et même au coeur du collet – une chenille qui se tortille, translucide et blanche avec la tête orange: c'est la larve de la Petite hépiale du houblon, un papillon de nuit appelé aussi «Louvette». Une fois l'intruse offerte aux oiseaux, on peut tenter de remettre le planton en terre.
Si les plantons proviennent du commerce et que le flétrissement se produit peu après la plantation, il est fort probable que la chenille était déjà dans la barquette...
Dessiner à la tondeuse
La Charte des Jardins encourage les jardiniers à laisser pousser des bandes de pelouse et de prairie, et à ne pas les tondre tant qu'il y a des fleurs. On peut parfaitement combiner cette bonne pratique favorable à la biodiversité avec le "land art" (art contemporain utilisant les matériaux de la nature). Sur cette image prise du ciel, on voit un exemple ambitieux: un labyrinthe éphémère réalisé dans une prairie.
Pour parvenir à tondre un cercle parfait, il faut planter un pieu central et y enfiler une boucle sur laquelle 2 cordes d'égale longueur sont fixées. Ces deux cordes sont ensuite accrochées sur le côté de la tondeuse, à l'avant et à l'arrière. Grâce à ce dispositif, la tondeuse pourra avancer de manière bien circulaire. Avec une seule corde, elle aurait tendance à zigzaguer. Une fois le cercle tracé dans l'herbe, il n'y a plus besoin des cordes pour effectuer les prochaines tontes.
Pelle aiguisée
Elle ne fait généralement pas partie des accessoires standards, mais la pelle de chantier au manche courbé peut être très utile dans le jardin. Le truc, c'est d'en aiguiser le bout avec une pierre à aiguiser ou une meule. L'outil devient alors remarquable pour sarcler les herbes indésirables dans le potager: on la pousse devant soit à plat par petits coups légers dans la terre, ce qui permet de décapiter les intrus sans efforts et avec précision.
Sur la pelouse, la pelle aiguisée est très efficace pour se débarrasser des plantes qui forment des rosettes de feuilles plates collées au sol, créant ainsi des cuvettes dans la pelouse: chardons, épervières, pissenlits... La technique consiste simplement à les hacher sur place, en plantant plusieurs fois la pelle perpendiculairement au terrain, de sorte à dessiner un astérisque centré sur la racine. On laisse ensuite le hachis de feuilles en place, afin de protéger la terre et permettre aux graminées de recoloniser peu à peu la place. Par rapport à l'arrachage, c'est beaucoup moins d'effort, et ça ne laisse pas de trous.
Tailler pour les nids
La période hivernale est le bon moment pour tailler les arbustes de la haie. En faisant ce travail, on peut penser à deux choses pour aider les oiseaux. Premièrement: à préserver les petits fruits qui ornent les branches afin d'assurer de la nourriture en période de disette. Deuxièmement: à favoriser par la taille quelques fourches de branches qui serviront de support aux prochains nids. Les meilleurs endroits se situent au centre de la haie, à hauteur d'yeux. Mais on peut en créer à tous les niveaux.
On pourra aussi profiter des déchets de la taille pour confectionner des tas de branches denses et bien enchevêtrées – à placer au coeur de la haie. Le Rouge-gorge pourra y bâtir son nid. Et ses petits, qui quittent le nid sans savoir encore voler, pourront s'y cacher dès l'arrivée d'un chat.
Bain pour oiseaux
Chacun peut se rendre compte que des périodes de sécheresse peuvent sévir en toute saison. C'est un gros problème pour la faune, et notamment pour les oiseaux – même en hiver. Non seulement les gouilles et les mares s'assèchent, mais aussi les petites poches d'eau "aériennes" qui peuvent exister sur les bâtiments, dans les gouttières des toits ou dans des creux d'arbre.
Les oiseaux ne font pas que boire. La plupart ont besoin d'un bain quotidien pour se coiffer et se lisser les plumes, afin de remettre en état leur équipement de vol. La Charte des Jardins ne demande pas de créer un point d'eau. Mais c'est une bonne idée d'en placer un dans le jardin, sur la terrasse, le balcon ou sur un toit plat.
Il est important que l'eau soit renouvelée régulièrement, afin que le bassin ne devienne pas un lieu de transmission de maladies. On veillera aussi à le placer à un endroit où les chats ne peuvent pas se tenir en embuscade: les oiseaux sont très vulnérables au moment du bain.
Hôtel à insectes
Les hôtels pour abeilles sauvages (et autres insectes) sont désormais en vente un peu partout. Au moment d'acquérir une telle demeure, on prendra garde à sa solidité et à la longueur des galeries dans lesquelles les abeilles sont invitées à déposer leurs oeufs, tels des aspirines dans un tube, chacun dans sa petite loge de terre. Dans l'idéal, les galeries devraient avoir au moins 12 cm de long.
Si possible, on accrochera solidement l'hôtel en direction du sud – une exposition à l'ouest risque de le soumettre à la pluie – et à au moins 30 cm de hauteur (pour éviter l'humidité). L'hôtel devrait rester en place plusieurs années, car les abeilles sauvages sont généralement fidèles à leur lieu de naissance. Lorsqu'une galerie est obstruée de terre, c'est le signe qu'une abeille y a installé sa progéniture – ce qui lui prend plusieurs jours. Ensuite patience: les jeunes n'émergeront des galeries que l'année suivante...
En plus du gîte, les abeilles sauvages ont besoin de butiner pour remplir leurs galeries de pollen et de nectar, afin de nourrir leurs jeunes – d'où la nécessité d'installer des plantes indigènes sauvages dans les parcs et jardins, et de laisser fleurir des coins de pelouse.
Entretenir le nichoir
La fin d'automne est une bonne période pour nettoyer le nichoir à oiseaux (ou pour en poser un nouveau). Au moment d'ouvrir la boîte, on veillera à ce qu'il n'abrite pas de chauves-souris ou d'abeilles – ce n'est pas fréquent, mais ça peut arriver!
On enlèvera tout ce qui s'y trouve (nid, crottes, oeufs non éclos, et parfois poussins morts). On nettoiera soigneusement les parois intérieures et, s'il y en a, les trous d'évacuation situés dans le fond. Cela fait souvent mal au coeur, mais il vaut mieux enlever le nid, même s'il paraît dans un état impeccable: il y a toujours des parasites qui attendent les futurs occupants. De toute manière, le prochain nid sera bâti sur l'ancien, ce qui a le défaut de rapprocher les oeufs de l'orifice d'entrée. Si on possède un chalumeau (ou un pistolet à air chaud), on peut le passer rapidement dans le nichoir vidé pour détruire les parasites.
On vérifiera les systèmes de fixation et de fermeture du nichoir. S'il est nécessaire de protéger le bois, on utilisera un produit naturel (huile de lin, par exemple), et uniquement sur les faces extérieures. Enfin, si on a décroché le nichoir, on le remettra en place sans trop attendre: certains oiseaux – telles les mésanges – l'utilisent aussi en hiver pour se tenir au chaud.
Récupérer l'eau de pluie
Avec le réchauffement climatique et ses sécheresses, la pluie devient une aubaine, et il faut apprendre à en profiter. On trouve dans les jardineries des réservoirs d'eau de toute forme (jarre, tonneau, faux mur...) et de toute taille pour récupérer la pluie du toit, en la dérivant depuis le tuyau de descente avec un raccord qui filtre les déchets végétaux entraînés dans les gouttières.
Il faut penser que la pression de l'eau sortant du réservoir sera faible: elle dépend de la différence de hauteur entre le réservoir et le lieu d'arrosage, et aussi de la quantité d'eau stockée. Si on a besoin de pression pour un arrosage automatique, ou si le réservoir est enterré, il faudra lui ajouter une pompe. Il existe des modèles qui fonctionnent à l'énergie solaire.
Si le toit comporte des éléments en cuivre (gouttières, entourages de fenêtre de toit ou de cheminée) des traces de cuivre se retrouveront dans l'eau stockée. On peut voir sur certains toits en tuiles comment la toxicité du cuivre empêche la formation des mousses et des lichens. Si l'eau récoltée est destinée à une petite mare ou à un bassin avec des amphibiens ou des poissons, il est sans doute prudent de ne pas y verser le fond du réservoir qui sera plus riche en cuivre, mais de l'évacuer dans le terrain ou dans la canalisation des eaux claires.
SOS vers luisants
On trouve sur le marché des lampes solaires décoratives à suspendre dans le jardin. Elles comportent une cellule solaire qui alimente une batterie. La nuit venue, une guirlande de petites lumières verdâtres s'allume automatiquement pour briller jusqu'au matin... C'est très sympathique, mais l'objet risque de semer la confusion chez les Vers luisants (Lampyris noctiluca). En effet, durant les chaudes nuits de juin-juillet, le mâle ver luisant vole dans l'obscurité pour repérer la petite lumière verdâtre d'une femelle. Or, la lampe aux multiples petits points lumineux risque bien de perturber leur histoire d'amour. Si vous avez déjà acquis une telle lampe, vous pouvez la mettre hors-service durant cette période.
Précieux petits fruits
Le réchauffement global provoque régulièrement des étés secs suivant les régions. En conséquence, beaucoup d'arbustes indigènes produisent peu de fruits. Au moment de tailler les haies, on essayera donc de préserver un maximum de petits fruits, si précieux pour la survie hivernale des oiseaux et des autres représentants de la faune des jardins.
Éclairage extérieur
Les lampes extérieures attirent les insectes nocturnes et notamment les papillons. Certaines espèces s'entêtent même à tourner autour de la lumière jusqu'à l'épuisement. Des recherches indiquent que les lampes LED avec une température de couleur chaude (~2700K°, warm white) – et peu de bleu dans leur spectre – sont moins attractives que les lampes LED froide (daylight), les lampes halogènes et les lampes fluocompactes. Dans tous les cas, il est bon de privilégier les lampes dont le faisceau est dirigé vers le bas, et qui sont munies d'un détecteur de mouvement pour limiter le temps d'illumination.
Pyrale du buis
Originaire d'Asie et apparue en Europe en 2006, la Pyrale du buis continue sa progression et ses ravages. Les chenilles de ce papillon dévorent les feuilles pourtant coriaces du buis et peuvent réduire à néant toute une haie en quelques mois. Les oiseaux ont commencé à apprendre à consommer les jeunes chenilles. Les grandes sont peu ragoûtantes: elles sont gorgées d'un jus vert et toxique (le buis est toxique).
Notre faune possède une arme nocturne contre le papillon de la pyrale qui vole dès la tombée de la nuit: les chauves-souris. On peut d'ailleurs les observer profiter de l'éclairage public pour capturer les insectes attirés par la lumière. Mais voilà, les chauves-souris se raréfient, parce que les arbres creux se font rares, et parce que les bâtiments neufs et rénovés offrent moins de cachettes sous leur toit. On peut donc les aider à vivre à nos côtés en leur installant des abris, à placer sur les bâtiments, les ouvrages publics et les arbres.
Une grande biodiversité est la meilleure arme contre les ravageurs et les maladies des plantes.
Assainir les bâtiments en protégeant les oiseaux et les chauves-souris
Collision oiseau-vitre
Des dizaines de milliers d'oiseaux se tuent chaque année dans notre pays en percutant des vitres de bâtiment ou des cloisons vitrées. Les collisions surviennent lorsque l'oiseau voit le ciel ou la verdure à travers le verre (c'est le cas lorsque deux fenêtres forment un angle) ou lorsque la vitre réfléchit le ciel et la végétation environnante.
Les silhouettes de rapaces à coller sur une vitre n'agissent pas sur les oiseaux par "effet de peur", mais simplement parce qu'elles signalent l'obstacle: plus il y en a sur la fenêtre, et plus c'est efficace.
En hiver, la mangeoire pour oiseaux ne devrait pas être installée près d'une fenêtre, afin d'éviter les collisions. Si on ne peut pas faire autrement, placer la mangeoire à moins d'un mètre de la vitre, afin que les oiseaux qui se cogneraient en décollant n'arrivent pas trop vite...
Tailler hors-saison
La Charte des Jardins recommande de ne pas tailler les haies durant la période de nidification, c'est-à-dire entre mars et septembre. La taille de printemps et d'été risque bien sûr de terroriser les oiseaux et de détruire leurs couvées. Mais elle éclaircit aussi la végétation, et expose les oeufs et les oisillons aux prédateurs et à l'ardeur du soleil. De plus, si la canicule sévit, une taille estivale peut brûler les arbustes eux-mêmes, en exposant soudainement au soleil des parties végétales qui s'étaient adaptées à l'ombre. Même les thuyas peuvent en souffrir.
Si on taille en automne, on veillera à préserver les branches qui portent des petits fruits – merci pour les Fauvettes à tête noire (et les autres oiseaux) qui choisissent de rester avec nous pour l'hiver.
Taupinières
La plupart des taupinières ne sont pas l'oeuvre de la taupe, croqueuse de vers et d'insectes, car elle est devenue rare en plaine. Elles trahissent plutôt la présence du Campagnol terrestre ou Rat-taupier (Arvicola terrestris). Ce rongeur, trois fois plus gros qu'une souris, dévore les racines, les tubercules et les bulbes qu'il rencontre sous terre. Lorsque sa population se met à croître soudainement – ce qui arrive cycliquement – il peut provoquer de gros dégâts dans les cultures et les vergers – sans parler des galeries creusées juste sous la surface du sol qui défoncent le terrain.
Un jardin qui subit une invasion de campagnols terrestres peut perdre une grande partie de ces plantes (jeunes arbres fruitiers et rosiers, notamment) et finir par ressembler à un champ de bataille. Mais on se gardera d'utiliser du poison pour les contenir, car les rongeurs intoxiqués – et donc faciles à capturer – peuvent empoisonner à leur tour leurs prédateurs: hermines, renards et rapaces... et aussi les chiens et les chats. Pour lutter contre les rongeurs, il existe des pièges mécaniques à placer dans les galeries de surface: les pinces traditionnelle (toujours très efficaces), et les systèmes plus modernes à guillotine. On peut aussi appeler un taupier professionnel qui utilise des techniques de piégeage sans poison.
Lors de l'installation de jeunes arbres dans le jardin, on peut prévenir les dégâts en entourant leurs racines avec un treillis métallique.
Feuilles mortes
On peut voir tomber les feuilles en pensant à la corvée de devoir les ramasser. Ou considérer que c'est un cadeau du ciel: en se décomposant, les feuilles se transforment, en 2 ou 3 ans, en un terreau noir (humus). Dans une forêt, les feuilles tombées forment une litière riche en invertébrés que les oiseaux et les petits mammifères fouillent pour se nourrir. Cette litière sert aussi d'abri pour toute une petite faune qui y trouve de la fraîcheur en été et de la douceur en hiver – de la salamandre au papillon. C'est pour cela que la Charte des Jardins propose de laisser un tas de feuilles en permanence sur son terrain.
On peut déblayer les feuilles mortes sous la haie. Ou les récolter pour faire un terreau à étendre dans les massifs de fleurs ou dans le potager. L'idéal est de ramasser les feuilles lorsqu'elles sont humides (pour faciliter la décomposition), et d'en faire un tas léger dans un coin ombragé du terrain. Si on doit défendre le tas contre les assauts du vent, on le contiendra à l'aide d'une barrière munie d'un petit passage pour le hérisson.
Pratiquement toutes les feuilles conviennent, mais certaines sont coriaces et se décomposent très lentement (noyer, platane...). On peut utiliser la tondeuse pour les broyer. Si on veut utiliser le terreau pour le potager ou les rosiers, on évitera d'y mettre des feuilles de légumes ou de rosiers atteintes de maladies.
Glandée
Fruits du chêne, les glands sont riches en amidon et se conservent longtemps. Ils nourrissent ainsi quantité d'animaux de la petite faune des parcs et jardins, tel le bien nommé Geai des chênes. En automne, l'oiseau cache des glands dans le terrain pour avoir de quoi manger pour l'hiver. L'écureuil et le mulot en font aussi des réserves. Quant au beau pigeon ramier, il les cherche dans les lisières pour les avaler tout ronds.
Mais pour produire des glands, nos grands chênes (sessile ou pédonculé) doivent atteindre une cinquantaine d'années. Et les glandées abondantes ont lieu seulement tous les 5 à 10 ans – c'est dire que les glands sont vraiment un cadeau du ciel!
Lorsqu'on veut se débarrasser des glands tombés sur la pelouse, plutôt que de les mettre avec les déchets verts, il est judicieux de les rassembler dans un coin du terrain. Certes, il faudra arracher les petits chênes qui ne manqueront pas de germer, mais c'est plus facile à faire s'ils sont tous au même endroit et si on s'y prend tôt. La Charte des Jardins recommande d'ailleurs de laisser sur son terrain une partie de ce qui tombe des arbres: feuilles, graines, branchettes... afin de permettre aux animaux de se nourrir, de se cacher et de bâtir leurs nids.
Compost-restaurant
En Suisse, le tri des déchets ménagers fonctionne en général bien – même s'il y a encore des efforts à faire, notamment au niveau de la récupération des déchets de cuisine. Ces déchets organiques sont malvenus dans les poubelles parce qu'ils contiennent beaucoup d'eau (ils brûlent mal dans les usines d'incinération), et parce qu'ils peuvent produire un excellent compost en se dégradant avec les déchets de jardin
Il faut considérer le compost comme un mélange de terreau et d'engrais. Et il y a trois avantages à le produire sur son terrain. On évite le transport motorisé de déchets organiques. On maîtrise la qualité de ce qu'on va étaler au pied de ses plantes d'ornement ou de ses légumes. Et on peut offrir une source de nourriture aux oiseaux qui restent en hiver.
Mésanges, merles, rouges-gorges, troglodytes... tous profitent des petits invertébrés qui habitent le compost et participent à la dégradation des déchets organiques. En hiver, le compost peut même devenir un élément très important de la survie de la petite faune des jardins. Suivant le type d'installation choisie, on peut d'ailleurs en faciliter l'accès aux hérissons et aux musaraignes, tout en empêchant les renards et les corneilles d'y farfouiller.
Écuroduc
Les Écureuils sont capables de se déplacer sur une corde pour traverser une route. Ces voies aériennes artificielles sont appelées "écuroducs". Mais attention, il ne suffit pas de lancer une corde entre deux arbres: il faut qu'elle soit constamment tendue par un jeu de poulies et de contrepoids. Sinon la corde fait la banane, et les écureuils ne l'empruntent pas.
Avec l'avancée de l'urbanisation et le morcellement des parcelles, qui s'accompagnent souvent de la disparition de grands arbres, les routes aériennes des écureuils sont souvent interrompues. Et comme ces rongeurs n'aiment pas circuler au sol – où les attendent les voitures, les chiens et les chats – ils abandonnent les quartiers sans liaison aérienne, faute de pouvoir s'y rendre en toute sécurité. L'installation d'un écuroduc (par des arboristes grimpeurs) peut alors les y faire revenir.
Turricule
Un turricule est un tout petit monticule terreux qui a l'air d'être sorti d'un tube dentifrice. Il s'agit des précieuses déjections d'un ver de terre – un mélange de particules végétales et minérales, qui est généralement bien plus riche en azote, en phosphore et en potassium que la terre des alentours. On peut voir apparaître ces petits tas de vermicelles dans le jardin surtout au printemps et en automne, au moment où les vers de terre sont les plus actifs.
Si vous dénombrez plus de 80 turricules par mètre carré, c'est signe que votre terrain est très riche en vers de terre et donc propice à la culture. En dessous d'une vingtaine de turricules, il faut considérer que les vers de terre sont plutôt rares. Cependant, l'absence de turricules ne signifie pas que ces précieux décomposeurs et aérateurs du sol ont déserté les lieux. Durant les chaleurs de l'été et les froids de l'hiver, les vers de terre sont au repos, recroquevillés au fond de leurs galeries.
Oiseaux
Roitelet
Il est vraiment minuscule, le Roitelet à triple bandeau (Regulus ignicapilla). C'est même le plus petit oiseau d'Europe avec son cousin, le Roitelet huppé. Et son nom lui vient de sa couronne de plumes – orange vif pour le mâle, et jaunes pour la femelle. Cet oiseau-bijou n'est pas farouche. Il peut très bien fréquenter les jardins et les parcs publics, pourvu qu'il y trouve des conifères ou de grands arbres envahis de lierre où dissimuler son nid en forme de boule.
Comme il pèse moins de 6 grammes et qu'il est hyperactif, le Roitelet doit manger l'équivalent de son poids d'insectes chaque jour. Il les chasse en voletant autour des arbres et des buissons, faisant même du vol sur place pour les repérer, tel un colibri.
Afin de créer des royaumes pour ce tout petit roi, laissons donc grimper le lierre le long des troncs, et s'épanouir des coins de nature sauvage partout où c'est possible.
Verdier d'Europe
Voilà un oiseau dont il est facile de mémoriser le nom: le Verdier d'Europe est... vert. Et son nom latin – Chloris chloris – cite deux fois la déesse de la verdure. Cela dit, la femelle passe davantage inaperçue, avec son plumage plus terne et plus discret: on pourrait la prendre pour un moineau costaud.
Les Verdiers sont présents toute l'année en Suisse, et dans l'ensemble du pays. En hiver, on peut les voir à la mangeoire, usant de leur bec puissant pour casser la graine. Mais, comme beaucoup d'autres passereaux, leur population est en net recul depuis une dizaine d'années.
Pour favoriser les Verdiers en milieu habité, pensons à leur fournir des lieux de nidification et de la nourriture, à savoir des haies d'arbustes indigènes bien denses qu'on évitera absolument de tailler pendant la saison de reproduction (de fin mars à fin juillet), des arbres ou des murs couverts de lierre, et des coins de prairie qu'on fauchera tardivement afin de laisser les graminées produire leurs graines.
Moineau domestique
Les Moineaux domestiques (Passer domesticus) sont les oiseaux qui occupent le plus vaste territoire dans le monde. Effrontés et malins, ils aiment vivre au contact des êtres humains, que ce soit dans la cour d'une ferme, sur une place publique, ou même à l'intérieur d'une gare. Capables de nicher dans toutes les anfractuosités, ils sont plutôt fidèles en amour, et sédentaires.
Contairement à d'autres, les effectifs des Moineaux restent stables en Suisse, même si ces passereaux se raréfient au coeur des grandes villes – vraisemblablement parce qu'ils peinent à trouver des insectes pour alimenter leurs oisillons. Et oui, les moineaux ne font pas que piller les champs de blé et quémander du pain aux tables des terrasses: ils savent aussi se rendre utiles à l'agriculture.
Pour favoriser ces oiseaux sociaux dans le jardin – ou éviter qu'ils nichent dans le caisson du store – on peut mettre à leur disposition plusieurs nichoirs accolés les uns aux autres (diamètre des trous d'envol de 30 à 32 mm). Il existe même des nichoirs spécialement destinés aux moineaux, en forme de petits immeubles, avec trois ou 4 ouvertures. Si les buis du jardin souffrent de l'appétit des chenilles de la Pyrale du buis, les moineaux seront vos alliés pour une lutte sans pesticides.
Pic épeiche
Le Pic épeiche (Dendrocopos major) a trouvé le moyen de se faire entendre de très loin sans pousser un cri. Il se poste sur un arbre creux qui résonne bien, et le percute avec son bec jusqu'à 25 fois par seconde pour signaler sa présence. Son bec est aussi un formidable ciseau à bois, dont il se sert pour attaquer les branches et les troncs des arbres dépérissants, que ce soit pour y trouver des insectes ou pour creuser une cavité dans laquelle nicher. Ses anciens nids servent ensuite pour la reproduction d'autres oiseaux cavernicoles qui sont incapables de creuser, tels les mésanges, les sitelles, les étourneaux etc.
Présent partout en Suisse et visible toute l'année, le Pic épeiche a donc besoin de vieux arbres pour se nourrir et se reproduire. Voilà pourquoi il est fréquent dans les anciens quartiers de villas, et plus rare dans les quartiers neufs où les plantations sont récentes. Une bonne habitude – qui profite d'ailleurs à bien d'autres espèces – est de ne pas abattre complètement un arbre dépérissant, mais de conserver une "quille", autrement dit quelques mètres de tronc sur pied – ce qui assure la sécurité des humains tout en favorisant la biodiversité.
Mésange bleue
Une Mésange bleue (Parus caeruleus) figure sur le logo de la Charte des Jardins, perchée sur la tête d'un hérisson. Chez cette espèce, les deux sexes ont l'air identique. Mais, vus avec l'oeil d'un oiseau – qui est sensible aux ultra-violets – le mâle est beaucoup plus chatoyant. Et c'est la vivacité du calot bleu qu'il porte sur la tête qui attire surtout les dames.
Les mésanges bleues se plaisent dans les parcs et les jardins. Elles nichent à l'abri d'une cavité (arbre, mur, toit, nichoir) et inspectent minutieusement les branches à la recherche d'insectes et d'araignées. Elles sont particulièrement habiles pour se remplir le bec de pucerons qu'elles ramènent à leurs 6 à 12 petits affamés.
Avant de se lancer systématiquement dans un traitement anti-pucerons (bio, bien sûr), on peut donc avoir une pensée pour toutes ces jeunes mésanges qui attendent au nid. Et se rappeler que les pucerons ont toujours de l'avance sur ceux qui les mangent, qu'ils soient oiseaux ou coccinelles. C'est une question de philosophie: on peut considérer les pucerons comme un fléau pour le jardin, ou comme une bénédiction pour nos jolies mésanges bleues.
Rouge-gorge
C'est au sol que le Rouge-gorge familier (Erithacus rubecula) cherche des insectes, des escargots, des vers et des araignées. C'est encore au sol, ou tout près du sol, qu'il construit son nid – dans un fourré, dans un tas de branches, ou même dans le fatras des accessoires de jardin abandonnés. Et c'est toujours au sol que ses jeunes commencent leur vie hors du nid, parce qu'ils ne savent pas encore voler.
Dans les parcs et les jardins, le Rouge-gorge mène donc une vie risquée, à la merci d'une débroussailleuse, d'un taille-haie, d'un chat ou du débarras prématuré d'un vieil amas de déchets végétaux. Tous les fouillis intouchés et les recoins épineux favorise sa survie. C'est aussi le cas des arbustes sauvages indigènes: fusain, troène, viorne, cornouiller, aubépine... tous donnent des petits fruits qui nourrissent l'oiseau au plastron orange durant la saison froide. Et pour les cueillir, il veut bien prendre un peu de hauteur!
Merle noir
Sans le chant mélodieux du Merle noir (Turdus merula), la vie ne serait pas pareille. Cet improvisateur hors-pair ne figure heureusement pas dans les espèces menacées. Mais il faut savoir que si ses effectifs se maintiennent dans certaines zones villas, c'est notamment parce que de nouveaux individus viennent remplacer les oiseaux tués par les chats. En effet, les jeunes merles sont particulièrement vulnérables, car ils quittent le nid seulement une douzaine de jours après l'éclosion, sans savoir voler. Ils restent alors au sol, où ils sont nourris par leurs parents jusqu'à ce qu'ils puissent se débrouiller seuls.
C'est notamment pour offrir des cachettes aux jeunes merles que la Charte des Jardins recommande de laisser des tas de bois dans les jardins. De plus, les haies plantées de prunelliers et d'aubépines – des arbustes sauvages indigènes particulièrement épineux – offrent non seulement des abris sûrs pour les nids des oiseaux, mais aussi des petits fruits qui les aident à survivre en hiver. Novembre est le bon moment pour en planter (l'aubépine n'est pas recommandée dans certaines régions, car elle est sensible au feu bactérien qui peut ensuite contaminer les pommiers, les poiriers et les cognassiers).
Merle blanc
Ce n'est vraiment pas fréquent, mais on peut avoir la visite d'un merle (Turdus merula) au plumage entièrement blanc au lieu de noir (pour le mâle) ou de brun foncé (pour la femelle). C'est l'absence de pigment noir (mélanine) qui explique cette blancheur d'origine génétique, mais il y a plusieurs cas possibles. Neuf fois sur dix, le phénomène est lié à l'âge. À la sortie du nid, l'oiseau était normalement foncé, et des plumes blanches sont peu à peu apparues au fil des mues et des années. Dans ce cas, les yeux du merle restent noirs.
Plus rarement, il s'agit d'un merle albinos, c'est-à-dire que son corps ne produit pas du tout de mélanine. Un merle albinos est blanc dès la naissance. Ses yeux sont rouges et ses pattes roses.
Il peut encore s'agir d'un merle leucique, c'est-à-dire blanc à la naissance, mais avec les yeux noir. Le plus souvent, un merle leucique est panaché de blanc et de noir, et de manière symétrique. Il garde dans tous les cas le même costume toute sa vie.
Fauvette à tête noire
La Fauvette à tête noire (Sylvia atricapilla) fait partie des ténors du jardin. Elle remplit l'air de son chant flûté, enrichi d'imitations et d'improvisations. L'espèce est facile à reconnaître: le mâle est coiffé d'un béret noir, et la femelle en porte un brun. Le couple fait son nid dans les buissons et les haies. Il élève le plus souvent deux couvées par an.
Contrairement à beaucoup d'autres espèces qui se raréfient, cette fauvette se porte bien. Il faut dire qu'elle s'adapte facilement au milieu urbain, pourvu qu'on y plante des arbustes sauvages indigènes qui lui offrent les insectes et les araignées dont elle se nourrit principalement. Dans les haies épineuses (aubépine, houx et prunellier sauvage), elle trouve même une protection efficace contre les fouines et les chats.
Les fauvettes à tête noire sont plutôt migratrices. Mais avec le climat qui se réchauffe, de plus en plus d'individus – surtout des mâles – deviennent sédentaires. Ils modifient alors leur régime alimentaire et recherchent les petits fruits des arbustes sauvages. La bonne nouvelle c'est qu'ils apprennent aussi à s'attaquer aux petites chenilles de la Pyrale du buis, ce papillon asiatique nouvellement arrivé dans nos régions et qui décime les buis. Bel exemple de résilience de la nature grâce à la biodiversité!
Troglodyte
Le Troglodyte mignon (Troglodytes troglodytes) est vraiment un tout petit oiseau qui peut passer inaperçu. D'abord parce qu'il a la couleur de la terre et des racines qu'il explore à la recherche d'insectes et d'araignées. Et ensuite parce qu'il se déplace très rapidement tout près du sol, disparaissant dans le moindre trou pour ressurgir là où on ne l'attendait pas. On dirait presqu'une souris!
Le Troglodyte est plutôt forestier, mais on peut le voir dans les parcs et les jardins qui ont des haies sauvages et des tas de bois bien enchevêtrés – surtout s'il y a des connexions de végétation (corridors verts) entre les lieux habités et une forêt ou un bord de rivière.
Le Troglodyte est un migrateur de courte distance: les individus qu'on observe en hiver proviennent plutôt du Nord, alors que nos visiteurs d'été descendent au Sud pour échapper aux frimas. Les bonnes pratiques de la Charte des Jardins favorisent toutes la présence de cette petite boule de plumes qui chante plus fort que bien des oiseaux pourtant trois fois plus gros que lui.
Grimpereau
Il porte bien son nom, le Grimpereau des jardins (Certhia brachydactyla), car il passe une bonne partie de son temps à grimper le long des arbres en sautillant, toujours de bas haut et en spirale. Ce petit passereau a d'ailleurs tendance à se placer de l'autre côté du tronc quand on s'approche, si bien qu'on peut très bien ne l'avoir jamais remarqué, même s'il est présent toute l'année (une partie des individus passent l'hiver un peu plus au sud). De surcroît, il vient rarement à la mangeoire et son plumage se confond avec l'écorce des arbres.
Comme les pics, le Grimpereau se déplace en prenant appui sur sa queue rigide, mais il ne frappe pas le bois: il se contente d'utiliser son long bec recourbé comme un pincette, pour extraire quantité d'insectes, d'araignées et de tout petits escargots. Autant dire que ce grimpeur aime les grands et vieux arbres plein de vie et de cachettes. Et il niche souvent sous un lambeau d'écorce à moitié détaché du tronc. Lorsque les arbres du quartier sont encore jeunes, on peut donc l'aider à trouver un logement en lui offrant un nichoir spécial, dont les deux entrées sont plaquées contre le tronc.
Plans de nichoirs à construire soi-même
Nichoir spécial à commander à la Station ornithologique fédérale
Gros-bec
Le Gros-bec casse noyaux (Coccothraustes coccothraustes) est un robuste pinson doté d'une grosse tête et d'un bec aussi impressionnant que costaud: il est capable de casser un noyau de cerise pour en avaler l'amande. En hiver, on peut parfois voir ce bel oiseau à la mangeoire, où il fait généralement la loi.
À propos de noyau de cerise, la fin d'automne est le bon moment pour se rendre compte de l'hospitalité d'un jardin. Reste-t-il des graines, des baies et des fruits à manger? Le cerisier du Japon, par exemple, fleurit certes magnifiquement au printemps. Mais c'est parce que ses fleurs produisent un surplus de pétales aux dépens des organes sexuels: pas de pollen ni de nectar pour l'abeille, pas de cerises pour le dessert, et pas de noyaux pour le gros-bec...
Si la Charte des Jardins encourage les propriétaires à installer des plantes sauvages indigènes, c'est justement pour nourrir les petits animaux des jardins en toute saison. Tous les arbres fruitiers sont les bienvenus aussi, pourvu qu'on ne les arrose pas de pesticides...
Étourneau
L'Étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris) n'a pas bonne réputation. Il faut dire qu'il sévit en bande organisée: voleur de cerises, pilleur de vignes, et crépisseur de carrosserie par ses fientes qui pleuvent de l'arbre-dortoir sur lequel des centaines d'individus peuvent se rassembler.
Mais quel destructeur de parasites du bétail, des cultures et des jardins! Et quel artiste! Il est capable de produire n'importe quel son: sifflements, modulations, claquements de bec, plagiats d'autres oiseaux, et imitations de bruits d'origine humaine – klaxon, grincement de portail, sonnerie de téléphone... Certes, il a le temps d'apprendre puisqu'il peut vivre jusqu'à 20 ans.
Chez cet oiseau, la femelle chante aussi, même si elle reste plutôt discrète pendant la période de reproduction.
Pigeon ramier
Appelé "palombe" et chassé depuis toujours lors de ses migrations entre l'Espagne et la France, le Pigeon ramier (Columba palumbus) est devenu un hôte sédentaire de plus en plus fréquent en milieu urbain. Il ne faut pas le confondre avec le "pigeon des villes" ou Pigeon biset (Columba livia). Le Ramier est plus grand et plus beau: il a une tache blanche sur la nuque, et deux barres blanches bien visibles sur ses ailes ouvertes. En vol, il a d'ailleurs l'art de les claquer l'une contre l'autre pour signaler sa présence.
Le Ramier niche plutôt dans les arbres et pille, souvent en bandes, les champs fraîchement semés. C'est pourquoi sa chasse est autorisée dans la plupart des cantons suisses – ce qui le rend très méfiant lorsqu'on le croise en campagne. Dans les parcs et jardins par contre, il peut se montrer très familier. Et on peut le voir boire aux fontaines en plongeant entièrement sa tête dans l'eau.
Ce bel oiseau révèle comment la bienveillance des humains peut changer le comportement d'un animal du tout au tout. Les bonnes pratiques de la Charte des Jardins visent d'ailleurs à permettre aux petits animaux sauvages de vivre en paix autour de nous, afin de donner au quotidien un parfum de Jardin d'Eden.
Mammifères
Écureuil roux
La plupart des mammifères de notre petite faune échappent à notre regard parce qu'ils sont nocturnes. Mais l'Écureuil roux (Sciurus vulgaris) peut s'activer durant le jour car il se déplace en sécurité: les troncs et les branches lui servent de voies de circulation. Au printemps, on peut d'ailleurs voir comment une mère apprend patiemment à ses 2 à 5 jeunes comment évoluer en trois dimensions, et comment mémoriser les chemins qui les ramèneront rapidement à l'abri de leur nid – une cavité dans un tronc ou un amas de branches.
En milieu urbain, la continuité de ces voies aériennes est particulièrement importante pour la survie des écureuils: une seule branche qui surplombe une route peut être décisive pour relier deux quartiers, et éviter que ces rongeurs arboricoles soient écrasés par un véhicule ou attrapés par un chat. L'une des 10 bonnes pratiques de la Charte des Jardins concerne justement les passages entre les parcelles. Elle est d'autant plus essentielle à suivre en cette période de densification de l'habitat.
Chauves-souris
Les chauves-souris chassent – en vol et de nuit – les insectes et les araignées. Dans leur menu, il y a heureusement de terribles ennemis de nos arbres dont certains sont de nouveaux arrivants: la Mineuse du marronnier (un papillon de nuit responsable du vieillissement précoce du feuillage), la Pyrale du buis (un papillon nocturne d'Asie dont les chenilles peuvent anéantir toute une haie en une saison) et le Capricorne asiatique (dont les larves peuvent faire périr plusieurs espèces de grands arbres feuillus).
Hélas, les populations de chauves-souris sont en régression, parce que les espaces sauvages s'urbanisent et que les gîtes se raréfient: les vieux arbres creux sont éliminés pour des raisons de sécurité; les granges et les remises se transforment en habitation; les caves et les toitures se ferment pour isoler les bâtiments.
Toutes les bonnes pratiques de la Charte des Jardins favorisent la survie des chauve-souris, et en particulier la limitation de l'éclairage extérieur. L'obscurité facilite non seulement leurs activités de chasse, mais elle les rend aussi moins repérables lorsqu'elles volent près du sol: les chats sont capables de les abattre d'un coup de patte. Pour aider les chauves-souris, on peut aussi poser des nichoirs spéciaux sur les façades ou les arbres.
L'amie Musaraigne
Lorsqu'on voit une Musaraigne, c'est généralement entre les griffes d'un chat et on la prend souvent pour une souris. Toute petite, oeil minuscule et nez busqué, elle a aussi des dents de carnivores qui la distinguent des rongeurs: elle ne touchera ni aux fleurs, ni aux fruits, ni aux légumes. En fait, la musaraigne est une alliée du jardinier. Active de jour comme de nuit – et en hiver comme en été – elle fouille continuellement le terrain à la recherche d'insectes, d'araignées, de vers... Très rapide dans ses déplacements à découvert, elle peut passer complètement inaperçue, n'étaient-ce ses petits cris très aigus et parfois colériques (les Anglais la nomment "shrew" = mégère).
Deux espèces très semblables fréquentent surtout les espaces verts et les jardins: la Musaraigne carrelet et la Musaraigne musette. Dans un jardin, son coin préféré pour chasser et se reproduire est généralement situé près du compost ou du tas de feuilles. Elle ne cherche pas à entrer dans les habitations.
Mulot sylvestre
Le Mulot sylvestre (Apodemus sylvaticus) ressemble à une souris. Mais s'il avait la queue fournie de longs poils, on le prendrait assurément pour un petit écureuil: il a de grands yeux noirs, de grandes oreilles et de grands pieds; il peut faire des bonds spectaculaires et grimper dans les branches; il se constitue des réserves de graines pour l'hiver; et il saisit une noisette entre ses mains pour en extraire le contenu en quelques coups d'incisives.
Pouvant vivre jusqu'à 4 ans, le Mulot est un hôte fréquent des jardins. Plutôt nocturne, il creuse des galeries dans le terrain et peut se servir dans le potager. On le surprend parfois en journée, à chiper rapidement une graine tombée de la mangeoire des oiseaux, ou à escalader une longue herbe qui pointe au-dessus de la prairie pour observer le paysage.
Le Mulot entre moins fréquemment dans les maisons que les souris, et y fait moins de dégâts. Si on prend la peine de l'observer, on finira sûrement par le trouver sympathique, même s'il a croqué une carotte du jardin...
Fouine
Avec le chat domestique et le renard, la Fouine (Martes foina) fait partie des prédateurs qui hantent nuitamment les jardins. Elle met à son menu des rongeurs, des oiseaux, des fruits du verger, et même des restes de nourriture sortis de nos poubelles.
Habile grimpeuse, la fouine est capable de se faufiler dans un ovale de seulement 5 par 7 cm. Ceux dont elle a occupé le grenier savent qu'elle est une adepte du tapage nocturne. Elle peut même endommager l'isolation du toit pour se créer un espace, et planter ses dents pointues dans le câblage des panneaux photovoltaïques ou dans la tuyauterie plastique des capteurs thermiques, provoquant des pertes de rendement de l'installation solaire.
Pour bien cohabiter avec la fouine, il vaut donc mieux protéger les câbles et les tuyaux avec des gaines résistantes, et l'empêcher de grimper sur le toit, par exemple en plaçant une colerette anti-ascension sur les descentes d'eau. Et pour découvrir par où une fouine aborde un bâtiment, on peut étendre du sable fin au pied du mur, afin de révéler ses traces: elles sont plus petites que celles d'un chat et – contrairement à celles du chat – elles comportent des griffes.
Reptiles
Lézard des murailles
Inoffensif et tolérant à l'égard des êtres humains (!), le Lézard des murailles (Podarcis muralis) n'est pas difficile pour sa nourriture. Dans son jeune âge, il préfère les araignées. Mais, adulte, il croque de tout: coléoptères, mouches, papillons, criquets et sauterelles, cloportes et mille-pattes, escargots et limaces…
De temps en temps, il mange même des fruits, tels que les mûres, les baies de sureau ou les fruits de l'if. Et quand vient le temps de la mue, il n'hésite pas à avaler sa propre peau qui se détache de son corps par petites plaques.
Pour faciliter la reproduction des lézards, on peut organiser un tas de gros cailloux au soleil, placés au-dessus d'une cuvette creusée dans le terrain et remplie de sable. Les femelles viendront y pondre leurs oeufs, et les mâles garder les lieux.
Orvet
On l'appelle "serpent de verre", car il peut se séparer de sa queue lorsqu'on le manipule: l'Orvet (Anguis fragilis) montre ainsi qu'il n'est pas un serpent, mais un cousin des lézards qui a perdu ses pattes au cours de l'évolution. Il est d'ailleurs beaucoup moins souple qu'un serpent: son corps ressemble a un morceau de tuyau brillant, rond et de la même section depuis la tête jusqu'à la naissance de la queue.
Par le passé, l'Orvet a souvent été massacré d'un coup de bêche. Pourtant, il est inoffensif et participe à l'équilibre du jardin: il se nourrit de limaces, de vers et de larves d'insectes. Aujourd'hui, c'est le reptile le plus fréquent de Suisse, mais il passe souvent inaperçu dans les jardins, parce qu'il aime les coins ombragés et vit surtout caché dans des galeries de rongeurs ou dans ses propres tunnels. Il aime aussi se glisser sous des pierres et des souches chauffées par le soleil. C'est notamment pour assurer sa survie que la Charte des Jardins recommande de laisser un tas de feuilles et de branches intouché dans un coin du terrain.
Amphibiens
Crapaud commun
Il vaut mieux ne pas embrasser un Crapaud commun (Bufo bufo), parce que sa peau peut sécréter un liquide irritant pour les muqueuses et les yeux. À part ça, c'est un compagnon inoffensif, discret et fidèle: lorsqu'il s'installe dans un jardin, il passe généralement toute sa journée dans la même cachette humide (trou de rongeur, tas de bois, anfractuosité dans un mur) et utilise sa nuit pour suivre un même parcours de chasse, à la recherche d'insectes, de vers et de limaces.
L'automne, c'est le moment d'inspecter les évacuations d'eau de pluie et les sauts-de-loup pour en retirer les feuilles mortes. Lors des années de canicule, il est fort possible d'y découvrir des amphibiens (crapauds, grenouilles, tritons, salamandres) qui se sont fait piégés en cherchant de la fraîcheur. S'il sont encore vivants, on les remettra dans les fourrés, mais pas dans l'eau. Et on peut sauver les prochains captifs en disposant une branche, une planchette ou une rampe en treillis métallique pour leur permettre l'ascension vers la sortie.
Mollusques
Limace espagnole
C’est LA terreur des amateurs de potager, car elle dévore nuitamment les plantons: la Limace espagnole (Arion vulgaris) mesure jusqu'à 15 cm et varie en couleur – brune, rouge, orange, grise ou noire. Originaire du Sud-Ouest de l'Europe, elle a été introduite en Suisse en 1955. Depuis lors, elle se répand aux dépens de la Grande loche (Arion rufus), une limace indigène qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau. Elle élimine aussi d'autres limaces et escargots indigènes dont la grande majorité ne provoquent pas de dégâts dans les jardins. La Limace espagnole n'a malheureusement pas d’ennemi naturel efficace, car elle produit un mucus abondant et si âcre qu'il dégoûte bien souvent les hérissons, les orvets et les crapauds.
Pour lutter contre ce fléau, il faut absolument éviter les granulés au méthaldéyde qui sont un poison pour toute la faune. On leur préférera les granulés à l'orthophosphate de fer, moins nuisibles. Mais le mieux est de ne pas utiliser de poison dans son jardin et de chasser les limaces "à la main", à la lumière d'une lampe de poche et muni d'un vieux récipient. Même si ça paraît cruel, on y versera ensuite de l'eau bouillante...
Les couper sur place avec une paire de ciseaux bien aiguisés est très rapide (juste derrière la tête pour éviter des souffrances), mais il faut savoir que les cadavres attireront sans doute d'autres limaces qui viendront les manger. On peut justement se servir de ce cannibalisme pour les piéger en leur aménageant des coins hospitaliers: des tuiles plates (ou objets similaires) posées sur la terre bien humide avec, en dessous, quelques friandises – feuilles de salade et de chou, épluchures de carotte etc. De jour cette fois, on zigouille les limaces aux ciseaux directement dans leur cachette, et on revisite la place plusieurs jours de suite.
On peut aussi planter des tagettes (plantes de la famille des astéracées), dont les limaces sont très friandes: si tout va bien, elles préféreront brouter ces fleurs plutôt que vos chers légumes.
Escargot de Bourgogne
L'Escargot de Bourgogne (Helix pomatia) est le plus gros des escargots qu'on peut rencontrer dans le jardin. C'est celui qu'on sert par douzaines au restaurant (il y a d'autres espèces comestibles, mais c'est le plus réputé). En Suisse et suivant les cantons, son ramassage est interdit (BE, FR, JU) ou strictement réglementé (GE, NE, VD, VS). D'ordinaire, il fait peu de dégâts dans le potager car, contrairement aux limaces, il ne s'enterre pas pour se cacher: il est facile de le repérer pour l'exiler dans un autre coin du terrain.
Si, un petit matin, vous voyez deux spécimens se contorsionner face à face, prenez le temps de regarder la parade nuptiale en cours: il arrive un moment surprenant, où les partenaires se plantent mutuellement dans la chaire de fines aiguilles de calcaire pour se stimuler avant la copulation réciproque (ce sont des hermaphrodites).
La Charte des Jardins favorise toute la biodiversité en zone habitée. Et, ces spectaculaires gastéropodes en font partie. Ils figurent d'ailleurs parmi les proies des vers luisants qui les dévorent entièrement en plusieurs jours. Et si vous apercevez un escargot dont la coquille pointe à gauche par rapport au sens de la "marche", sachez que vous tenez une rareté: il y a seulement un gaucher pour environ 20'000 droitiers.
Escargot à trompe
L'Élégante striée (Pomatias elegans) est un petit escargot terrestre (1,5 cm) à la bouille rigolote, avec sa trompe et ses yeux placés à la base des antennes. Comme 40% des 197 gastéropodes terrestres recensés en Suisse, l'Élégante figure sur la liste rouge des espèces menacées. Elle ne provoque pas de dégâts dans l'agriculture ni dans les potagers: elle se contente de brouter les feuilles mortes et le bois en décomposition.
La raréfaction de beaucoup d'espèces d'escargots est due à la destruction de leur habitat et à l'usage excessif des pesticides, des herbicides et des engrais. Ce n'est pas seulement une perte pour notre biodiversité, mais aussi pour les autres animaux qui se nourrissent de mollusques.
On peut rencontrer l'Élégante striée dans un jardin naturel, si le terrain comporte du calcaire nécessaire à la constitution de sa coquille. Les murs en pierres sèches, les tas branches et les feuilles mortes qu'on laisse se décomposer lui offrent des abris frais au coeur de l'été. Ils favorisent aussi la survie d'autres petits escargots menacés qui passent souvent inaperçus.
Insectes & Cie
L'Aurore
Au printemps, l'Aurore (Anthocharis cardamines) fait partie des premiers papillons à visiter les jardins. Si la femelle porte des ailes toutes blanches sur le dessus, le mâle semble en avoir trempé les bords dans de la peinture orange.
Le nom latin de l'Aurore rappelle que ce papillon est associé à la Cardamine des près, une fleur dont ses chenilles se nourrissent. Plus exactement, elles croquent le bouquet de minces haricots qui suit la floraison. La femelle Aurore peut aussi pondre ses oeufs sur une autre plante qui pousse spontanément dans les coins humides du jardin: l'Alliaire officinale (Alliara petiolata), dont les jeunes feuilles au goût d'ail peuvent être ajoutées aux salades.
Alliaire, Aurore et Cardamine: voici 3 bonnes raisons de laisser des coins de prairie non tondus, comme le conseille la Charte des Jardins.
Perce-oreille
Les Perce-oreilles (Anthocharis auricularis) sont nocturnes et dévorent notamment les pucerons et les oeufs des invertébrés. Ils sont donc plutôt des amis du jardinier. Mais lorsqu'ils prolifèrent, ils peuvent aussi boulotter des fruits mûrs dans les arbres, et des légumes sucrés (les carottes, par exemple) dans le potager. Pour les gérer, on peut profiter de l'hiver pour leur fabriquer des abris avec des petits pots de fleurs en terre cuite. Par le trou du pot, on passe une ficelle qu'on empêche de ressortir en la fixant avec un morceau de bois – on va pouvoir suspendre le pot comme une cloche. À l'intérieur du pot, on bourre de la paille qu'on peut maintenir en place à l'aide d'un filet ou d'un treillis.
Au printemps, on fixera ces cloches dans les arbres fruitiers, en prenant soin qu'elles touchent une branche, afin que les Perce-oreilles puissent y accéder et s'y reposer pendant le jour. On pourra alors bénéficier de l'appétit nocturne des Perce-oreilles pour les parasites des arbres fruitiers, jusqu'au moment où les fruits mûrissent. À ce moment-là, on peut déménager les pots dans d'autres coins du jardin. On peut aussi disposer un pot à Perce-oreilles à l'envers sur la terre du potager, en plaçant un caillou sous le bord afin de leur faciliter l'entrée.
Mante religieuse
En Suisse, lors des 40 dernières années, de nombreuses espèces d'insectes des Préalpes et des Alpes adaptées au froid ont vu leur aire de répartition diminuer. Ce recul est vraisemblablement dû à l'intensification de l'exploitation des prairies, combinée aux sécheresses estivales.
Dans le même temps, le réchauffement climatique a profité à des espèces de plaine qui aiment la chaleur. C'est le cas de la Mante religieuse (Manta religiosa) que l'on peut voir de plus en plus fréquemment dans nos jardins, et jusque dans la région bâloise. Bien qu'elle soit l'un des plus grands insectes d'Europe, cette cousine des sauterelles peut passer complètement inaperçue, tant elle est bien camouflée et lente dans ses mouvements.
Totalement inoffensive pour les humains, la Mante religieuse ne consomme que des proies vivantes qu'elles saisit soudainement avec ses deux fortes pattes avant, armées de pointes assassines. Criquets, sauterelles, abeilles, papillons et araignées font partie de ses victimes.
Gendarme
Le Gendarme (Pyrrhocoris apterus) est une punaise noire et rouge qui aime particulièrement les endroits bien exposés au soleil et qui semble n'avoir peur de rien, même si elle ne peut pas fuir en volant à cause de ses ailes atrophiées. On peut d'ailleurs observer les femelles et les mâles, accouplés dos à dos, se promener sans gêne pendant des heures...
Bien qu'il soit une punaise, le Gendarme fait peu de dégâts dans le jardin, si ce n'est sur les boutons de Rose trémière et d'Hibiscus dont il raffole. En fait, il y aspire le suc des graines en formation, sa nourriture favorite. Mais comme le Gendarme mange aussi des pucerons, des cochenilles et les oeufs d'autres insectes, il faut plutôt le considérer comme un ami du jardinier. D'autant que, contrairement à bien d'autres punaises, il ne produit pas cette horrible odeur lorsqu'on le menace.
Grand Bombyle
Aux premiers jours du printemps, vous avez sûrement remarqué ce drôle de bourdon poilu de couleur caramel, avec une longue "paille" en guise de bouche. Il est capable de voler sur place pour butiner les fleurs, tel un colibri. En fait, il n'a rien à voir avec un bourdon. Le Grand Bombyle (Bombylius major) est de la famille des taons. Mais son long rostre lui sert – heureusement – uniquement à atteindre le nectar des fleurs profondes.
Par contre, ses enfants sont moins sympathiques. La femelle Bombyle pond ses oeufs à l'entrée des galeries creusées dans la terre par des abeilles sauvages ou des guêpes solitaires. Les larves de Bombyles qui naissent entrent dans les galeries, se nourrissent des jeunes abeilles et des jeunes guêpes, puis y passent l'hiver. On se consolera en rappelant que le Bombyle est aussi un précieux pollinisateur pour les premières fleurs de l'année.
Cétoine dorée
La Cétoine dorée (Cetonia aurata) est un bijou du jardin. Ce grand scarabée vert aux reflets métalliques vole bruyamment en gardant fermées ses deux élytres (les morceaux de carapaces qui recouvrent ses ailes au repos). Il y a bien des chances qu'il atterrisse lourdement sur une grosse fleur du jardin, pour en brouter les stigmates et les étamines.
Avant d'être un magnifique scarabée coloré, la Cétoine mène une vie de larve dans le bois en décomposition: c'est un ver blanc qui devient gros comme un petit doigt. Cette larve apprécie particulièrement le compost qui est au fond du jardin. Ainsi, la bestiole ne fait pas de dégâts aux racines des plantes et des arbres, comme c'est le cas des larves du gros hanneton (son cousin). Par contre, elle peut brouter les racines des plantes en pot, si on y a mis du compost sans regarder s'il était habité.
Lorsqu'on met des plantes ou des graines en pot, c'est toujours une bonne idée de bien inspecter la terre pour éloigner tout ce qui ressemble à une petite chenille ou à un ver. Beaucoup sont des consommateurs de racines...
Quel est ce papillon?
Plus de 200 espèces de papillons de jour vivent en Suisse. Le site web www.lepido.ch vous permettra d'identifier ceux qui visitent le jardin grâce à un système de clés de détermination. Il vous aidera aussi à mieux connaître les papillons pour les protéger. Le site permet de déterminer l'insecte inconnu et à voir ses congénères dans une galerie de photos. Il propose aussi des conférences, des excursions et des cours de formation. Tous les passionnés de papillons peuvent participer à enrichir son contenu.
Pucerons et fourmis
Les Fourmis noires des jardins (Lasius niger) sont présentes partout et élèvent des pucerons pour se nourrir – à l'instar de ce que font les humains avec leurs vaches. Les pucerons constituent en effet un bétail passif et prolifique: les femelles sont capables d'enfanter des petites puceronnes sans mâle (parthénogenèse); elles restent sagement là où on les place pour sucer la sève des plantes; et elles produisent une déjection sucrée très nourrissante – le miellat. En bonnes bergères, les fourmis protègent leurs pucerons et les "traient" en les stimulant avec leurs antennes.
Si on a seulement quelques rosiers dans le jardin, il vaut la peine d'inspecter régulièrement le sommet tendre des tiges en croissance et les bourgeons de fleurs. C'est là que les fourmis commencent par installer une grosse puceronne pour débuter une colonie. Il suffit alors de l'écraser avec les doigts (ou des gants) pour éviter la multiplication: l'opération colore certes les doigts, mais ils se rincent facilement sous le robinet. Si les colonies de pucerons sont déjà bien développées, on peut utiliser le pistolet d'arrosage pour les éjecter – mais attention de ne pas endommager les plantes!
Si l'idée de manger des déjections de pucerons vous dégoûte, sachez que les abeilles domestiques récoltent aussi du miellat (de pucerons et de cochenilles). C'est même le principal constituant des miels de sapin ou de forêt.
Ver luisant
Le Ver luisant (Lampyris noctiluca) est un coléoptère femelle qui n'a ni ailes, ni carapace pour les protéger. Elle se déplace donc uniquement à pied et ne va pas très vite. Et c'est pour attirer son mâle (qui vole, lui) qu'elle produit sa petite lumière verte. Autant le dire tout de suite: incapable de voler, le Ver luisant a de la peine à recoloniser un quartier d'où il a disparu...
Pour conserver des vers luisants dans les parcs et les jardins, il faut préserver des coins sauvages, éviter les pesticides et modérer l'éclairage. Il faut aussi que s'y trouvent des êtres encore plus lents qu'eux: les escargots. En effet, la larve du ver luisant (qui ressemble à sa mère en plus petit) est capable de dévorer un escargot dix fois plus gros qu'elle en quelques jours. Elle le paralyse auparavant avec son venin anesthésiant.
Pour observer la lumière des vers luisants, les meilleurs moments sont les nuits chaudes de juin, autour de 22-23 heures. On cherchera des petits points brillants verdâtres dans l'herbe et le bas des fourrés. On peut parfois revoir le même insecte lumineux – au même endroit – plusieurs nuits de suite.
Nicher dans une coquille
Il y a plus de 600 espèces d'abeilles sauvages en Suisse. Bien davantage que l'abeille domestique, ce sont elles qui pollinisent les plantes sauvages et les plantes cultivées. Le public a heureusement pris conscience de leur rôle: on vend un peu partout des petits hôtels pour favoriser leur reproduction. Or, il faut savoir que 80% des espèces d'abeilles sauvages nichent dans le sol, où elles forent des galeries dans la terre nue et tassée, ou dans les zones sablonneuses. Il y en a même qui déposent leurs oeufs dans des coquilles d'escargot vides, telle l'Osmie bicolore (Osmia bicolor) qui mesure à peine 1 cm.
Les bonnes pratiques de la Charte des Jardins favorisent les abeilles sauvages: laisser fleurir une partie de la pelouse avant de la tondre pour leur offrir du nectar et du pollen; privilégier les plantes sauvages indigènes auxquelles elles se sont adaptées au cours de l'évolution; ne pas utiliser de pesticides et d'herbicides qui contaminent le sol dans lequel elles pondent leurs oeufs...
Syrphe contre puceron
Ils ressemblent à des guêpes ou à des abeilles, mais ils n'ont pas de dard et sont inoffensifs: les Syrphes se servent de leur mimétisme pour que les oiseaux les laissent en paix lorsqu'ils butinent les fleurs. Ils font partie de la même famille que les mouches: ils ont des gros yeux et seulement deux ailes, alors que les guêpes et les abeilles en ont quatre. Et ce sont des as du vol stationnaire.
Une trentaine d'espèces de syrphes fréquentent les jardins. Beaucoup pondent leurs oeufs dans les colonies de pucerons, afin que leurs larve puissent s'en nourrir. Pour devenir adulte, une seule larve de syrphe peut dévorer une centaine de pucerons. Ainsi, lorsqu'on traite ses rosiers avec des insecticides, on tue également les larves des syrphes et des autres prédateurs (coccinelles et chrysopes), et on empêche toute régulation naturelle de s'installer.
La biodiversité dans le jardin est la meilleure arme contre les ravageurs des plantes. Un coin de prairie fleurie – avec des espèces indigènes sauvages – nourrira les syrphes adultes. Mais il faut aussi un autre ingrédient: la patience. En effet, les pucerons sont toujours les premiers à se manifester...
Sauterelles
Les sauterelles préfèrent les arbres et les buissons à la prairie. Elles ont de très longues antennes et de longues pattes; et elles sont plutôt carnivores qu'herbivores. C'est ce qui les distingue des criquets, aux antennes courtes et qui préfèrent la vie dans l'herbe. Côté musique, le mâle sauterelle produit ses stridulations en frottant deux de ses quatre ailes l'une contre l'autre – alors que le mâle criquet frotte ses grands fémurs sur ses ailes.
Avec les oiseaux et les autres orthoptères musiciens (courtillères, criquets, grillons), les sauterelles contribuent à l'ambiance sonore des parcs et des jardins jusqu'aux premiers froids. Plusieurs espèces – toutes inoffensives – peuvent vivre en compagnie des êtres humains, si on évite les pesticides et qu'on leur laisse des coins de prairie non tondus et non piétinés.
En effet, comme les criquets, la plupart des sauterelles pondent leurs oeufs peu profondément dans le sol à la fin de l'été et en automne: les pontes sont détruites sous les roues des tondeuses et sous le poids de nos pas. Ainsi, leurs meilleures chances de survie en milieu urbain sont les talus et les coins peu accessibles – à condition que la végétation soit variée, et que les prairies soient tondues en douceur, pas trop bas, et tard dans l'année.
Coccinelles asiatiques
Avec le froid qui s'est installé, on peut découvrir chez soi une petite nuée de coccinelles agglutinées dans un coin de mur, un repli de store ou même dans un meuble. Beaucoup d'espèces de coccinelles ont ce comportement grégaire pour passer l'hiver à l'abri du gel – c'est ce qui les attirent dans nos logements chauffés.
Il y a, hélas, des chances que ces squatters soient des Coccinelles asiatiques (Harmonia axyridis), une espèce envahissante introduite à l'origine en Belgique pour dévorer les pucerons sur les cultures sous serres. Présentes depuis 2004 sur sol suisse, les coccinelles asiatiques deviennent malheureusement de plus en plus fréquentes, car elles ne mangent pas que des pucerons: elles s'attaquent aussi aux larves de nos coccinelles indigènes, et prennent lentement leur place.
Si on est sûr d'être en présence d'une concentration de coccinelles asiatiques, on peut s'en débarrasser avec l'aspirateur (slurp). Par contre, si ce sont des coccinelles indigènes et que leur présence dérange, on les récoltera délicatement dans un bocal à l'aide d'une brosse souple, puis on les amènera au dehors, dans un coin qui offre des cachettes à l'abri de la pluie et du gel.
Punaise diabolique
Originaire d'Asie du Sud-Est et observée pour la première fois en Suisse en 2007, la grosse Punaise diabolique (Halyomorpha halys) est en expansion dans notre pays. Pour survivre à l'hiver, elle a tendance à chercher refuge dans les habitations. Pas de pitié alors, car cet insecte pourrait devenir un ravageur problématique pour les agriculteurs et les jardiniers amateurs: elle est capable de s'attaquer à plus de 120 plantes – y compris de nombreux fruits, légumes, céréales et plantes ornementales.
Aux États-Unis, la Punaise diabolique est déjà une véritable peste. Pour la contenir de notre côté de l'Atlantique, il est souhaitable que chacun apprenne à l'identifier afin de l'éliminer – mais sans détruire à tout-va les insectes indigènes qui ont leur place dans la biodiversité! Elle est à ne pas confondre avec la punaise grise (Rhaphigaster nebulosa), qui est une espèce locale. Apprenez à les différencier en cliquant sur le lien ci-dessous.
Frelon asiatique
Le Frelon asiatique (Vespa velutina) arrive en Suisse. Originaire d'Asie du sud-est, ce frelon a été introduit accidentellement dans le sud-ouest de la France en 2004. Depuis lors, il a conquis une bonne partie du pays et s'est propagé en Espagne et au Portugal, en faisant de gros dégâts chez les abeilles: il se poste à l'entrée des ruches et capture les ouvrières pour en dévorer les muscles.
La taille du frelon asiatique se situe entre celle du frelon européen et celle de la guêpe commune. Par rapport à ces deux insectes, il a l'air noirci par la fumée. Sa piqûre n’est pas plus dangereuse que celle d’une guêpe. Par contre, il est beaucoup plus prolifique: son gros nid ovoïde, souvent bâti tout en haut d'un arbre, abrite trois fois plus d'individus.
Si vous repérez un tel frelon dans votre jardin, essayez de le photographier ou de le capturer (sans prendre de risques), puis avertissez la plate-forme energie-environnement.ch (
Chenilles processionnaires du pin
Chenilles d'un papillon nocturne actif durant l'été, les Processionnaires du pin (Thaumetopoea pityocampa) éclosent en groupe à la base d'une aiguille de Pin noir d'Autriche (leur préférence) ou d'autres résineux. Après avoir croqué des aiguilles pour grandir, elles passent l'hiver ensemble dans un gros cocon de soie qu'elles tissent à la cime de l'arbre. Au printemps, elles descendent au sol, en vue de s'enterrer et de se transformer en papillon. Elles se déplacent alors en formant une longue procession qui leur a donné leur nom. C'est à ce moment que les risques pour la santé des êtres humains et des animaux sont les plus grands: leurs longs poils urticants, qu'elles ont tendance à perdre facilement, peuvent provoquer des démangeaisons cutanées (voire des nécroses), des atteintes aux yeux, des problèmes respiratoires et de graves réactions allergiques.
La lutte contre les Processionnaires du pin est généralement obligatoire lorsque les arbres infestés sont situés près d'espaces publics ou d'écoles (voir le règlement cantonal). Pour les éliminer, on peut soit faire appel à un grimpeur spécialisé pour couper les nids et les incinérer, soit équiper le tronc d'un piège circulaire qui capture les chenilles lors de leur descente. Il existe aussi des pièges à phéromones, dont les émanations attirent les papillons mâles.
Une bonne arme sur le long terme consiste à favoriser la Biodiversité: les chauves-souris attrapent les papillons en vol, et les mésanges capturent les petites chenilles lorsqu'elles ne sont pas encore urticantes. Pour favoriser ces prédateurs, on peut leur installer des nichoirs et leur offrir de bonnes conditions de vie en appliquant la Charte des Jardins.
Vulcain
En vous promenant en montagne en octobre dernier, vous avez peut-être vu passer de grands papillons qui franchissaient les cols d'un vol assuré? Si oui, vous avez sûrement observé des Vulcains (Vanessa atalanta) qui se rendaient dans le Sud de l'Europe, voire même en Afrique du Nord pour certains.
Le Vulcain est le plus migrateur des papillons qui fréquentent nos jardins. Il fait des allers-retours entre le Nord et le Sud de l'Europe en trois générations. En hiver, il se reproduit au Sud, et cette première génération remonte au printemps dans le centre de l'Europe; elle se reproduit à son tour, engendrant une seconde génération qui va poursuivre la montée vers le Nord, jusqu'en Scandinavie pour certaines populations. Arrivés au Nord en été, les papillons migrateurs se reproduisent à nouveau, donnant naissance à une troisième génération qui, en automne, redescend d'un trait vers le Sud. Et le cycle recommence...
Les chenilles des Vulcains se nourrissent en broutant des feuilles d'orties exposées au soleil. C'est donc une bonne idée de favoriser un coin d'orties dans le jardin, d'autant que d'autres beaux papillons en ont besoin pour leur reproduction. On trouve des graines d'orties sur internet. Et aussi des recettes pour cuisiner leurs feuilles en soupe, en gratin ou en apéro croustillant.
Pyrale du buis
C'est un papillon nocturne asiatique dont les chenilles vertes rayées de noir peuvent mettre complètement à nu un buis en rongeant son feuillage. Débarquée en Europe en 2006 et en expansion en Suisse, la Pyrale du buis est un véritable fléau. Elle met ceux qui ont choisi de ne pas utiliser d'insecticides dans leur jardin devant un dilemme: «Faut-il traiter, ou attendre de voir si mon buis va survivre?»
Le mieux est d'abord de s'informer sur la biologie de ce nouveau ravageur, pour apprendre à le détecter rapidement: on peut alors lutter à la main, si on a seulement quelques petits arbustes à défendre. Si un traitement paraît inévitable, il y a heureusement des solutions biologiques qui semblent faire leurs preuves (voir ci-dessous).
L'élégant papillon adulte, aux ailes blanches ourlées de brun foncé, est facile à reconnaître. Si, attiré par une lumière, il passe à portée de votre main, pas de pitié...
Collembole
Vous avez sûrement déjà observé un rouge-gorge picorer frénétiquement autour d'un compost ou dans la litière de feuilles, sans bien voir ce qu'il pouvait attraper. C'est que le sol regorge de minuscules êtres vivants qui décomposent la matière organique, la transformant en terreau fertile. Parmi ces décomposeurs figurent les Collemboles, une grande famille de tout petits arthropodes adeptes du saut périlleux – une tactique de fuite face aux prédateurs. Mais ce n'est pas avec ses pattes que le collembole s'éjecte en l'air: il utilise sa queue fourchue, repliée sous son ventre au repos, qu'il déploie soudainement, telle la lame d'un couteau à cran d'arrêt.
Si la Charte des Jardins recommande de ne pas utiliser de pesticides ni de produits chimiques, c'est notamment pour ne pas nuire à cette micro-faune si importante pour la fertilité du sol. N'oublions pas que la plupart des espèces qui font la Biodiversité d'un jardin échappent à notre vue.